Après plusieurs jours de combats aux alentours de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo, les rebelles du M23 sont entrés dans cette agglomération stratégique, dans la nuit de dimanche à lundi.
La nuit a été particulièrement éprouvante, a constaté le correspondant d’Anadolu sur place, faisant état de détonations incessantes d’armes lourdes et légères ayant retenti tout au long de la nuit, créant un climat de tension et de panique parmi la population.
L’aéroport international de Goma a été fermé et les vols commerciaux ont été temporairement interrompus en raison des combats. La voie lacustre, essentielle pour l’approvisionnement et l’évacuation des civils, a également été bloquée, aggravant ainsi la crise humanitaire. Les routes sont bloquées, et l’espace aérien a été déclaré fermé par le M23, ce qui rend difficile toute opération humanitaire ou d’évacuation.
Les hôpitaux de Goma sont débordés par l’afflux de blessés, malgré les efforts des acteurs humanitaires pour fournir une assistance médicale. Cette situation est particulièrement critique pour les déplacés qui, ayant déjà fui les violences précédentes dans d’autres localités, se retrouvent à nouveau contraints de fuir.
Cette nuit, sous les lumières de la cité de l’Union Africaine, à Kinshasa, le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, a convoqué une réunion d’urgence pour aborder la crise aiguë dans la province du Nord-Kivu. Les participants à la réunion ont discuté des mesures immédiates pour renforcer la sécurité, y compris le déploiement de forces supplémentaires et le soutien aux opérations de maintien de la paix.
Lundi 27 janvier, le M23 a annoncé par voie de communiqué, la prise de contrôle de la ville de Goma, annonçant la fin de l’ultimatum accordé aux Forces armées de la RDC (Fardc), la suspension des activités lacustres et appelant les habitants au calme, assurant que la situation est sous contrôle après ce qu’ils décrivaient comme la “libération de la ville”.
Dans la matinée, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient des rebelles du M23 sillonant la ville de Goma, après y avoir pénétré par le quartier Kihisi situé au nord de l’aéroport. Ils ont été accueillis par une partie de la population dans le quartier Majengo, principalement dans la partie nord de la ville.
Cette prise de contrôle a plongé Goma dans un climat de chaos et d’incertitude, aggravant ainsi la crise humanitaire déjà grave qui y règne.
Une évasion massive s’est produite, lundi matin, à la prison centrale de Munzenze. Selon une source pénitentiaire cité par Okapi, la quasi-totalité des détenus, dont l’effectif est estimé à environ 4 400 personnes, a réussi à s’échapper.
Par la suite, des échanges de tirs et de bombardement ont eu lieu entre l’armée congolaise et des positions à Gisenyi, au Rwanda, pendant plusieurs heures.
La situation étant telle, les autorités Congolaises se sont exprimées lundi à la mi-journée pour rassurer la population que le gouvernement continuait de travailler pour éviter le carnage et les perte en vies humaines dans la région, recommandant à la population de rester à domicile.
« Au regard de la situation sécuritaire dans la ville de Goma, marquée par la présence de l’armée rwandaise, nous tenons à rassurer la population que dans la suite des instructions du Président de la République, le Gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage et les pertes en vies humaines au regard des intentions manifestes du Rwanda », a indiqué Patrick Muyaya, le porte-parole du gouvernement, dans une déclaration aux médias.
Le Rwanda n’a pas commenté ces événements dans l’immédiat.
Pour rappel, le Mouvement du 23 Mars (M23) a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc), appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle. Pour la RDC, le M23 est un groupe “terroriste” et toute forme de négociation est catégoriquement rejetée.
Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.
Pour le Rwanda, le M23 représente une menace pour sa sécurité intérieure. Kigali accuse la RDC de collaborer avec des groupes armés, notamment les miliciens Wazalendo et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), considérés comme responsables du génocide rwandais. Ces alliances, selon Kigali, s’inscriraient dans une stratégie visant à renverser le gouvernement rwandais.