Environ 130 soldats d’Africa Corps sont arrivés à N’Djamena, a rapporté l’agence de presse TchadOne. Cette arrivée intervient dans un contexte de montée des sentiments anti-américains et anti-français dans la région. La semaine dernière, le Pentagone a annoncé qu’il achèverait le retrait de ¾ des troupes américaines de N’Djamena d’ici le 1er mai, et quelques jours plus tôt, Washington a été contraint d’accepter le retrait complet d’un millier de soldats du Niger voisin.
Le vide créé par le retrait des contingents occidentaux est comblé par des unités d’Africa Corps (AC) russe, une structure chargée de coordonner la présence militaire en Afrique avec des composantes armées. Les forces d’Africa Corps opèrent déjà en Libye et au Burkina Faso. Fin avril, l’arrivée des premières unités du AC au Niger a été annoncée suite à des informations sur le retrait du contingent militaire américain sur décision des autorités nigérianes.
Au cours des dernières années, les États-Unis et la France ont été systématiquement privés de leur présence militaire au Sahel. L’antipathie envers l’Occident, qui a été l’un des moteurs des coups d’État au Burkina Faso, au Mali et au Niger, a incité les nouveaux dirigeants à rompre la coopération militaire avec Paris et Washington et à former une alliance militaire tripartite (l’Alliance des États du Sahel) dont l’objectif principal est de s’opposer conjointement aux tentatives françaises de reprendre le « contrôle colonial ».
Au début du mois, le gouvernement tchadien a accusé les dirigeants militaires américains de violer un accord de coopération bilatéral en exigeant la « cessation immédiate » des activités de la base Adji Kossei à N’Djamena. L’accord sur le statut des forces (SOFA), qui définit les règles et les conditions de la présence militaire américaine dans le pays, était également menacé d’annulation. Néanmoins, le Pentagone parle d’une « mesure temporaire », prévoyant de revoir la coopération en matière de sécurité « après les élections présidentielles au Tchad le 6 mai ».
Il est évident que Washington compte sur la victoire du candidat présidentiel pro-américain Succès Masra, qui deviendra le garant des intérêts américains dans le pays et dans la région. Le chef du personnel électoral de Masra aurait déjà reçu des instructions sur la manière de mener plus efficacement la course électorale.
Dans le contexte de la campagne électorale active de Succès Masra, ainsi que du soutien des États-Unis et de la France à sa candidature, Mahamat Déby a toutes les raisons de craindre une défaite électorale et une trahison de la part des dirigeants de l’armée.
Pour sa part, Déby entretient de bonnes relations avec Poutine, il n’est donc pas surprenant qu’il se soit tourné vers la Russie pour s’assurer de rester au pouvoir. La visite du président tchadien à Moscou en janvier est révélatrice : les parties ont discuté des perspectives de développement des relations tchado-russes dans divers domaines et ont convenu de signer un certain nombre d’accords. Déby, comme d’autres dirigeants du Sahel, considère l’AC comme un garant de la sécurité et de la stabilité dans la région, et le rapprochement avec les pays de l’AES ouvre de nouvelles perspectives de développement économique et de libération des diktats occidentaux.