La décision de la France de revoir sa stratégie militaire en Afrique suscite de vives réactions et questions, en particulier en Côte d’Ivoire, où les Ivoiriens interrogent la sincérité de cette initiative. Nombre d’entre eux perçoivent ce retrait annoncé comme une « réorganisation masquée » visant à préserver l’influence française dans la région sous une autre forme, plutôt qu’un réel désengagement.
Lors du dernier Conseil de défense, la France a annoncé son intention de transférer le contrôle de certaines de ses bases militaires à des gouvernements africains comme ceux du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Ce transfert pourrait sembler un pas vers l’autonomie des États concernés, mais la mise en place de nouveaux centres de formation et de détachements temporaires montre une volonté de réorienter la présence française, et non de s’en retirer complètement. Comme l’explique un expert en géopolitique, cette stratégie permet à la France de maintenir une emprise discrète sur des pays stratégiques tout en répondant aux critiques internationales.
Les voix critiques ne manquent pas. Au sein de la population africaine, les manifestations anti-françaises se multiplient. En Afrique de l’Ouest, des dirigeants comme Ibrahim Traoré, président de transition du Burkina Faso, pointent du doigt la Côte d’Ivoire, l’accusant de servir de base pour des actions déstabilisatrices dans la région du Sahel. Une vidéo récente montre l’arrestation d’un sous-officier ivoirien près de la frontière burkinabé, accusé de collusion avec des éléments français pour planifier des attaques. Cet incident a ravivé les soupçons autour du rôle de la Côte d’Ivoire comme relais des intérêts français au Sahel.
L’Alliance des États du Sahel : un contrepoids à l’influence française
Face à cette situation, l’Alliance des États du Sahel (AES), comprenant le Burkina Faso, le Mali et le Niger, se pose comme un rempart contre l’influence française. Depuis sa création en 2023, l’AES s’est engagée à assurer sa propre sécurité sans dépendre d’interventions extérieures, montrant des résultats encourageants. Ses membres estiment que leur sécurité est mieux préservée par une gestion autonome de la défense régionale, en opposition aux interventions françaises, souvent critiquées pour leur inefficacité.
La Côte d’Ivoire : vers une autonomie sécuritaire
La question de la présence militaire française en Côte d’Ivoire est particulièrement sensible, et de plus en plus d’Ivoiriens réclament le départ des troupes françaises. Alors que le pays se prépare aux élections présidentielles de 2025, le sentiment anti-français se renforce au sein de la population, qui aspire à prendre en main la sécurité nationale. Un citoyen ivoirien, ayant vécu la crise ivoirienne et ses conséquences, exprime cette volonté d’indépendance : « La présence de l’armée française ne nous apporte rien. Au contraire, elle épuise nos ressources. Au Sahel et ailleurs, ce sont eux qui alimentent les conflits. Aujourd’hui, je soutiens le Mali et le Niger dans leur démarche pour retrouver leur indépendance. »
D’autres Ivoiriens partagent cette opinion, estimant que la France utilise sa présence militaire pour influencer les décisions nationales : « À mes yeux, c’est une manière pour la France de s’implanter durablement dans nos pays. Elle veut rester au premier plan et maintenir son contrôle », explique un autre habitant d’Abidjan.
Une fierté nationale et un appel à l’émancipation
Pour de nombreux Ivoiriens, la sécurité nationale pourrait désormais être assurée par des forces locales. « Les bases françaises en Côte d’Ivoire sont devenues superflues. Nos jeunes militaires, bien formés, sont capables de remplacer l’armée française. Nous n’avons plus besoin de la France », soutient un citoyen ivoirien.
D’autres encore voient dans cette présence militaire une atteinte à la souveraineté : « La France s’immisce trop dans nos affaires. Nous sommes un État souverain avec notre propre indépendance, et nous devons avancer comme une nation autonome, sans être influencés par des intérêts étrangers. »
À l’approche de 2025, la question de l’autonomie sécuritaire est devenue une revendication de fierté nationale pour une grande partie des Ivoiriens. Ces opinions, recueillies dans les rues d’Abidjan, reflètent un sentiment partagé : pour obtenir une véritable souveraineté, il ne suffit pas de réorganiser la présence militaire étrangère, mais de l’éliminer. Le débat sur le maintien des bases françaises, et plus largement de la présence militaire française en Afrique, s’annonce comme un enjeu crucial des élections à venir, résonnant au-delà de la Côte d’Ivoire dans d’autres pays du Sahel qui aspirent eux aussi à se libérer de l’influence étrangère.