Depuis des décennies, les relations franco-algériennes n’ont été qu’une succession de périodes de tension et de réconciliation plus ou moins longues. La visite de trois jours que vient d’effectuer Emmanuel Macron en Algérie a le mérite de mettre un terme à plusieurs mois de crise diplomatique.
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue français ont signé une déclaration commune appelant à une « nouvelle dynamique irréversible ». Si l’irréversibilité est sujette à caution, l’élan, lui, semble réel, et guidé par la volonté partagée de repartir sur de nouvelles bases.
Les déclarations d’Emmanuel Macron sur un système algérien « politico-militaire » accusé d’entretenir une « rente mémorielle » et ses interrogations faussement ingénues sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation avaient constitué le point d’orgue de la brouille. Celle-ci s’était nourrie auparavant des frustrations françaises dues à la mauvaise volonté affichée par Alger sur les principaux dossiers en cours : immigration, contrats commerciaux, travail de mémoire.
Des avancées sur la question des visas
Les déclarations et les gestes qui ont ponctué la visite du président français marquent donc un retournement spectaculaire du climat entre les deux pays. Même si la substance des échanges a pu décevoir à certains égards, le symbolique revêt une importance particulière dans le contexte très psychologique et émotionnel de la relation franco-algérienne.
L’autre progrès significatif concerne la tenue d’une réunion au plus haut sommet des responsables militaires et du renseignement des deux pays. Cette rencontre, inédite depuis l’indépendance, laisse augurer d’une coopération au Sahel, au moment crucial où la France quitte le Mali.
Sur le fond, l’une des avancées notables porte sur la question des visas. Agacé par la mauvaise volonté d’Alger pour accueillir ses ressortissants expulsés de France, Paris avait décidé, à l’automne 2021, de diviser par deux le nombre de visas octroyés aux Algériens. La tension semble avoir baissé d’un cran : la France accepte d’assouplir sa position dans le cadre d’une immigration choisie, tandis que l’Algérie s’engage à lutter davantage contre l’immigration clandestine.
Quant à la question énergétique, il aurait été naïf d’attendre de ce voyage monts et merveilles. Du fait d’un manque criant d’investissements et d’une demande intérieure en forte croissance, le potentiel d’exportation de gaz de l’Algérie reste limité, et ne peut représenter à court terme une solution aux difficultés d’approvisionnement européennes, liées à la guerre russo-ukrainienne.
Si ce début de réconciliation est encourageant, il risque de buter sur trois limites. La première peut venir des franges conservatrices du régime algérien, qui voient d’un mauvais œil un retour en grâce de l’influence française. La deuxième concerne le Maroc, qui redoute que ce réchauffement ne contrecarre son plan d’autonomie du Sahara occidental, sujet de discorde avec Alger. Rabat a néanmoins des moyens de pression sur Paris en modulant son contrôle de l’immigration vers l’Europe ou sa précieuse coopération sur le terrorisme islamique. La France se retrouve ainsi prise entre les intérêts divergents d’un Maroc qui vient de normaliser ses relations avec Israël et une Algérie qui se sent de plus en plus isolée.
Troisième limite, la Russie, premier fournisseur d’armes de l’Algérie, qui peut exiger de sa part une certaine neutralité par rapport aux requêtes occidentales, dans le cadre aussi bien de la guerre en Ukraine que des tensions au Sahel. Pour Alger, la ligne de crête est étroite. Pour l’avenir des relations entre la France et l’Algérie, le chemin est tout aussi escarpé.
Le Monde