C’est ce qui ressort d’un communiqué conjoint de deux ministres du gouvernement togolais, publié tard ce mardi 09 avril 2024 et dont Anadolu a eu copie. Il s’agit de l’ambassadeur Calixte Madjoulba, ministre de la Sécurité et de la Protection civile, et du colonel Hodabalo Awate, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
Ils soutiennent avoir noté que malgré l’interdiction motivée du gouvernement des manifestations prévues par l’opposition les 11, 12 et 13 avril 2024, « les organisateurs ayant dûment reçu notification que les manifestations projetées ne pourront avoir lieu aux dates prévues », ces derniers réaffirment leur volonté de manifester.
« Malgré cette notification, des informations concordantes dignes de foi font état de ce que les organisateurs se seraient réunis et projettent de passer outre l’interdiction et de mettre au défi les forces de l’ordre et de sécurité, d’étendre la manifestation dans toute la ville en délogeant les élèves et de s’attaquer systématiquement aux domiciles de députés préalablement ciblés », affirment les deux officiels du gouvernement togolais dans leur communiqué de presse.
Ils considèrent donc qu’une « telle attitude est susceptible de créer de graves troubles à l’ordre public et d’entrainer des atteintes inadmissibles aux personnes et aux biens ».
« Afin d’éviter de mettre en péril la sécurité des citoyens et de leurs biens, le gouvernement invite les organisateurs à la retenue et au respect des normes républicaines. Les éventuels contrevenants répondront de leurs actes conformément aux lois de notre pays », interpellent-ils en conséquence, tout en rassurant « la population que toutes les dispositions idoines sont prises pour préserver la tranquillité, l’ordre publics, et permettre la continuité des activités partout sur le territoire national ».
Pour Éric Dupuy porte-parole de l’Alliance Nationale pour le changement, le parti de Jean Pierre Fabre, ex-chef de file de l’opposition, joint au téléphone par Anadolu, les mises en garde du gouvernement relèvent des “mêmes vieilles méthodes”.
“Vous comprendrez par là qu’il n’y a rien de nouveau au Togo. Ce sont les mêmes vieilles méthodes éculées qui refont surface. Rependre la violence chaque fois qu’ ils sont en panique. Cela ne nous émeut guère” a-t-il déclaré à AA.
A noter que les quatre partis de l’opposition togolaise (ANC- Alliance Nationale pour le Changement, ADDI- Alliance Démocratique pour le Développement Intégral, PSR- Pacte socialiste pour le Renouveau, et FDR- Front Démocratique pour le Renouveau) et l’organisation de la société civile FCTB- Front Citoyen Togo Debout, qui ont appelé à ces manifestations « contre la réécriture de la constitution togolaise par une Assemblée dont le mandat a expiré », ont bien reçu la notification de l’interdiction.
Cette interdiction est soutenue par deux raisons, d’après la notification que Anadolu a consultée. Il s’agit du « non-respect » du délai des 5 jours ouvrables et aux heures de travail du dépôt de la déclaration préalable des manifestations publiques, et d’un itinéraire qui selon le gouvernement viole l’article 9.2 de la loi sur les manifestations.
Cet article interdit en substance des manifestations « sur toutes les routes nationales bitumées, les axes et zones proches des institutions de la République et les axes et zones proches des camps militaires et des camps de services de sécurité, les axes où se déroulent des activités économiques et commerciales dans les centres urbains ».
Les organisateurs ont contesté cette décision du ministre en lui renvoyant dans la matinée du 09 avril une nouvelle correspondance dans laquelle, et la marche et les itinéraires sont maintenues.
En début de soirée du même 9 avril, les organisateurs des manifestations et le ministre de l’Administration territoriale se sont entretenus au cabinet du ministre. Mais rien n’a fuité de ces discussions. Contactés par Anadolu, les leaders de l’opposition ont promis qu’ils communiqueront sur le sujet dans la journée du mercredi 10 avril.
La tension monte entre le pouvoir d’une part et l’opposition et la société civile d’autre part, alors qu’une nouvelle date pour les législatives et régionales vient d’être arrêtée en conseil des ministres. Toujours ce mardi 9 avril 2024, un décret voté en conseil des ministres a retenu la date du 29 avril courant pour ce double scrutin (législatives et régionales). Les campagnes électorales devraient s’ouvrir le samedi 13 avril courant et dureront deux semaines.
Par ailleurs, une cinquantaine d’enseignants des universités du Togo ont appelé mardi soir, le Président Faure Gnassingbé à « arrêter le processus d’adoption de la nouvelle Constitution en cours ».
« Conscients » affirment-ils de leur mission d’éclaireurs et « sans parti pris », ils disent qu’ils désapprouvent « le processus en cours tant dans son principe que dans son opportunité ».
C’est à travers une lettre ouverte publiée tard dans la nuit de ce 9 avril 2024.
Ils demandent au chef de l’Etat togolais, d’accepter que le débat sur le changement constitutionnel « se fasse par les nouveaux députés, élus dans les conditions d’équité et de transparence, et surtout par les citoyens qui seront appelés à se prononcer par voie référendaire ».
« L’élaboration d’une nouvelle Constitution, texte fondamental devant régir notre pays, ne peut se faire dans un climat de tension et de forte contestation. Elle exige un minimum de consensus », écrivent-ils dans leur lettre à Faure Gnassingbé.