Au Mali, le Conseil national de transition suscite de nombreuses protestations, mais en dépit de cette séquence politique agitée, le CNT a bien été installé le weekend dernier. Le dernier organe de la Transition va jouer le rôle d’Assemblée nationale pendant cette période qui doit aboutir à l’organisation d’élections générales. Une commission ad hoc est déjà en charge de rédiger le règlement intérieur, les travaux pourront ensuite commencer.
Ses membres ne sont pas élus ; à cette différence notable près, « le CNT fonctionnera comme une Assemblée nationale, conformément aux dispositions de la Constitution ». C’est ce qu’explique Souleymane Dé, professeur de droit public à l’Université de Bamako, expert auprès des militaires du CNSP qui ont pris le pouvoir le 18 août et membre, lui-même, du Conseil national de transition.
Le CNT a déjà un président, le colonel Malick Diaw, vice-président de la junte, élu samedi 5 décembre lors de l’installation du Conseil. Il sera ensuite doté d’un bureau, de groupes parlementaires et de commissions thématiques : « Défense », « Santé », « Affaires Étrangères », « Maliens de l’extérieur » ou encore « Développement rural », pour ne citer que quelques exemples.
Textes « en souffrance »
Des commissions d’enquête seront également mises en place : la lutte contre la corruption et contre l’impunité compte parmi les priorités affichées des nouvelles autorités, et des auditions pourraient être réalisées dans ce cadre. Quant aux propositions de loi, elles pourront émaner du gouvernement ou des membres du CNT eux-mêmes.
Dans un premier temps, cependant, ce sont surtout les projets « en souffrance » qui devront être traités : l’Assemblée nationale a été dissoute au moment du coup d’État, il y a presque cinq mois. De nombreux textes attendent donc d’être examinés. « Il y a une continuité de l’État, assure Souleymane Dé, nous n’allons pas balayer d’un revers de la main tous les textes préparés sous l’ancien régime. » Le CNT devra donc rapidement dresser l’inventaire de ces textes et sélectionner ceux qu’ils jugent prioritaires.
Missions et ambitions de la Transition
L’organe législatif de transition est surtout attendu sur les « missions » contenues dans la Charte de transition. Huit axes majeurs sur lesquels le CNT n’a plus que quinze mois pour plancher, terme auquel les autorités de transition se sont engagées à organiser des élections législatives et présidentielle crédibles devant acter le retour du pouvoir à des civils élus.
On peut notamment citer la relecture de la charte des partis et la révision du système électoral, avec pour objectif d’« assainir les mécanismes de conquête du pouvoir ». Souleymane Dé, expert auprès de la junte militaire et membre du CNT, promet ainsi « un bilan de la démocratie et du multipartisme » malien : il rappelle que le pays compte officiellement plus de 200 partis politiques et pointe les failles du fichier électoral. Un fichier globalement « fiable », estime ce professeur de droit public, mais qui contient cependant « des erreurs liées à l’état civil et propices à des manipulations. »
Parmi les autres priorités du CNT : la réforme administrative et l’opérationnalisation des nouvelles régions (créées en 2012, mais qui ne fonctionnent toujours pas en tant que tel), l’adoption d’un pacte de stabilité sociale (ce qui s’annonce compliqué compte tenu des mouvements de grèves qui se sont multipliés ces dernières semaines au Mali), la refonte du système éducatif, l’application de l’accord de paix de 2015 et, bien sûr, le rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Autant de priorités qui seront déclinées en textes législatifs dont le contenu reste à découvrir.
Une commission ad hoc est actuellement en train de boucler le règlement intérieur : tout ce qui concerne le temps de parole, les procédures de délibération, les sanctions éventuelles en cas de manquement de ses membres… en clair toute l’intendance de ce Conseil. Les travaux à proprement parler commenceront ensuite. Aucune date n’a été annoncée, mais les autorités de transition promettent d’aller très vite.
Début des travaux en ordre dispersé
Mais dès le début des travaux, le CNT fait face à plusieurs difficultés. Après la démission mardi de l’imam Oumarou Diarra, membre du M5, les mouvements armés du nord, membres du processus de paix, ont également suspendu leur participation, mécontents du nombre de sièges obtenus.
Pour être membre du conseil de national de transition CNT, il fallait faire acte de candidature, or certains maliens nommés n’étaient pas demandeurs comme l’imam Oumarou Diarra, rappelle notre correspondant à Bamako, Serge Daniel.
« Par principe j’ai démissionné, le principe c’est quoi ? C’est la loyauté envers le peuple malien, la loyauté envers les compagnons de lutte qui est le peuple M5, également et je l’ai dit, faut que les règles soient respectées pendant cette nomination », explique la figure du M5. Quelques autres membres du mouvement qui a mené la contestation contre l’ex-président IBK ont intégré à titre personnel le CNT mais la ligne officielle du mouvement était de ne pas chercher une place dans l’organe législatif. De grands partis politiques maliens ont adopté la même position.
En principe, la première plénière du CNT aura lieu avant la fin de cette semaine mais certains s’interrogent déjà sur la crédibilité de cette institution.
Source: Rfi