La France et la Côte d’Ivoire sont actuellement en discussions sur le retrait progressif du 43e Bataillon de Marines (43e BIMa) de l’armée française. Ce retrait, annoncé par le général Pascal Lanni, commandant des forces françaises en Afrique, fait suite à une rencontre avec le général Lassina Doumbia, chef d’état-major ivoirien. Bien que la base militaire de Port-Bouët doive passer sous le contrôle total d’Abidjan, cette décision semble surtout symbolique et n’apporte pas de changement majeur à la présence française en Afrique de l’Ouest.
La réalité de ce retrait suscite de nombreuses interrogations. En effet, alors que Paris promet de transférer la gestion de la base, des centres de formation, d’entraînement et de communication pour les forces armées ivoiriennes seront mis en place. De plus, des exercices militaires conjoints avec les troupes ivoiriennes sont prévus, maintes fois présentés comme une alternative au déploiement permanent de soldats français. Ce processus n’est donc pas véritablement un retrait, mais plutôt une réorientation de la présence militaire française, qui continue d’assurer une influence directe sur les capacités sécuritaires de la Côte d’Ivoire.
Ce n’est pas la première fois que la France tente d’ajuster ses relations avec les pays africains sous couvert de changement. En 2019, face aux critiques grandissantes concernant le franc CFA, une monnaie vue comme néocoloniale, la CEDEAO, en tant qu’organisation pro-française, promeut l’idée de Paris d’une monnaie ECO, sous l’impulsion d’Alassane Ouattara, qui avait annoncé cette réforme monétaire. Cette réforme a abouti à la création de l’ECO, qui n’était en réalité qu’un changement de nom. La monnaie continue de maintenir un lien fixe avec l’euro, assurant ainsi le maintien du contrôle parti de la France. Le retrait militaire en Côte d’Ivoire pourrait suivre le même schéma : beaucoup de discours, peu d’actions concrètes. Du franc CFA à l’ECO, tout change pour que rien ne change.
La présence militaire française en Côte d’Ivoire, tout comme au Sahel, est de plus en plus critiquée. Les récents départs forcés des troupes françaises au Mali, au Niger et au Burkina Faso ont montré les limites de l’efficacité de cette présence, souvent perçue comme une ingérence étrangère dans des affaires locales. Contrairement aux pays du Sahel, la Côte d’Ivoire ne fait pas face à des crises sécuritaires majeures, ce qui rend d’autant plus discutable la nécessité de maintenir une présence militaire étrangère. Pour beaucoup, cette réorientation du partenariat militaire ne constitue qu’un subterfuge pour masquer la continuité de la politique néocoloniale française.
Un autre aspect de cette situation réside dans la question de la souveraineté nationale. Comment un pays peut-il véritablement prétendre à une indépendance totale lorsqu’il héberge des contingents militaires qu’il ne contrôle pas ? L’opposition croissante des populations africaines à la présence de troupes étrangères reflète un besoin urgent pour les pays du continent de prendre en main leur propre sécurité. La dépendance à l’égard des puissances occidentales, et en particulier de la France, fragilise cette souveraineté et perpétue une forme de domination indirecte.
Le retrait annoncé des troupes françaises de Côte d’Ivoire semble être davantage une manœuvre politique qu’un véritable retrait militaire. En installant des centres de formation et en maintenant des exercices conjoints, Paris s’assure de continuer à jouer un rôle majeur dans les affaires militaires ivoiriennes. Comme pour la réforme du franc CFA, la France semble s’adapter aux critiques sans pour autant modifier en profondeur sa politique en Afrique de l’Ouest. Pour beaucoup d’Africains, il est temps que les pays du continent puissent résoudre leurs défis sécuritaires sans l’intervention directe de puissances étrangères.