Le syndicat des enseignants a dénoncé, dimanche, les violences commises par les forces de sécurité à Khartoum et fait état de plusieurs arrestations de manifestants dans ses rangs, mais n’a pas déploré de blessés.
Les forces de sécurité ont dispersé, dimanche 7 novembre, des manifestants à Khartoum, la capitale du Soudan, au premier jour d’une nouvelle campagne de désobéissance civile contre l’armée, au pouvoir depuis son coup d’Etat du 25 octobre.
Depuis la dissolution, ce jour-là, par le général Abdel Fattah Al-Bourhane de l’ensemble des institutions du pays et l’arrestation de la quasi-totalité des civils avec lesquels il partageait le pouvoir, la rue est entrée en résistance. Après une mobilisation commencée le jour du putsch qui s’est essoufflée la semaine passée, syndicats et autres organisations ont de nouveau exhorté les Soudanais à la désobéissance civile dimanche, premier jour de la semaine au Soudan, et lundi.
Des centaines de manifestants ont défilé à Atbara, dans le Nord, au cri de « Non au pouvoir militaire », tandis que des dizaines d’enseignants ont convergé vers le ministère de l’éducation à Khartoum pour « une protestation silencieuse contre les décisions du général Burhane », a expliqué Mohammed Al-Amine, professeur de géographie.
« La police est arrivée et a tiré des grenades lacrymogènes sur nous alors que nous nous tenions seulement là avec nos pancartes “Non au régime militaire” », a-t-il ajouté. Le syndicat des enseignants a dénoncé les violences et fait état de plusieurs arrestations de manifestants dans ses rangs, mais n’a pas déploré de blessés. Selon le syndicat des enseignants, 87 manifestants ont été arrêtés « sans mandat » et une enseignante a eu la jambe cassée dans la dispersion.
Quelques heures plus tard, un cortège de quelques centaines de manifestants a également essuyé des tirs de grenades lacrymogènes, selon des témoins, cette fois dans le turbulent quartier d’Al-Bourri, dans l’est de la capitale.
Routes bloquées et magasins fermés
Avant cette manifestation, des jeunes avaient bloqué des routes avec briques et pavés, tandis que des magasins étaient restés fermés. « Il y a moins de mouvement dans les rues, mais le blocage n’est pas total », rapportait un témoin à Omdourman, ville-jumelle de Khartoum.
Les Soudanais veulent se faire entendre tandis qu’à huis clos, loin de la rue, les négociations se poursuivent entre militaires, dirigeants civils et médiateurs locaux et internationaux pour trouver une solution à la crise.
Jusqu’ici, toutefois, les discussions n’ont mené ni à la formation d’un gouvernement ni au retour de celui démis brutalement par le général Al-Bourhane, ni même à l’adoption d’une position claire sur la reprise ou non de la transition démocratique lancée à la chute du dictateur Omar Al-Bachir, en 2019.
Pour les organisations prodémocratie à la pointe de la « révolution » contre le général Al-Bachir, la ligne est claire : « Pas de dialogue, pas de négociation, pas de partenariat » avec l’armée, clament-ils dans des communiqués diffusés par SMS, Internet étant bloqué depuis quatorze jours.
En 2019, hauts gradés et civils prodémocratie avaient décidé de gérer ensemble la transition ; aujourd’hui, nombreux sont ceux qui estiment qu’un tel partenariat est désormais impossible.
L’armée veut un nouveau gouvernement
Le premier ministre, Abdallah Hamdok, en résidence surveillée, et ses rares ministres en liberté continuent de plaider le retour à l’avant-25 octobre ; mais l’armée, elle, veut un nouveau gouvernement plus enclin à sauvegarder ses intérêts politiques et économiques, estiment des experts.
Des négociateurs de la Ligue arabe, du Soudan du Sud, de l’Organisation des Nations unies (ONU) multiplient les rencontres avec les deux camps, mais leur tâche est compliquée : le représentant de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, s’est indigné, jeudi, après que des politiciens civils venus le rencontrer à son QG ont été arrêtés par l’armée sur le pas de la porte.
Dimanche, une délégation de la Ligue arabe a rencontré le général Al-Bourhane, qui continue les purges. Après avoir démis tous les administrateurs d’entreprises publiques, il a limogé, ce dimanche, tous les directeurs de banques publiques. Quatre ministres ont été libérés par l’armée, mais d’autres sont toujours retenus et le général Al-Burhane a laissé entendre qu’ils seraient poursuivis en justice.
Le coup d’Etat et la répression – qui a tué quatorze manifestants, selon des médecins – ont déjà valu au Soudan une série de condamnations à l’étranger, sa suspension de l’Union africaine et des coupes considérables dans l’aide internationale.
Les pays arabes semblent divisés. Mercredi, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, deux pays proches des militaires soudanais, ont appelé à la « restauration immédiate » du gouvernement civil, mais l’Egypte, grand voisin influent, ne s’est toujours pas positionnée.
Source: Le Monde