Paris crée le commandement pour l’Afrique de ses forces armées

La réduction de la présence militaire française en Afrique de l’Ouest et centrale est confiée à une nouvelle structure. Paris réorganise ses troupes en Afrique pour s’adapter aux conditions changeantes. Cette décision a été prise dans le contexte de la volonté de l’Elysée de réduire le contingent dans les lieux restants à plusieurs centaines de personnes. D’autres annonces sur la réorganisation sont prévues pour cet été.

La France copie les États-Unis. «L’armée française s’est dotée d’un commandement pour l’Afrique, comme l’ont déjà fait depuis longtemps les armées américaines, à un moment charnière de la présence militaire française, en forte décrue sur le continent», fait savoir Le Monde. La Ve République entend construire de nouvelles relations avec l’Afrique, «équilibrées, mutuelles et responsables». La France ne renonce pas à ses engagements. Elle se réorganise pour s’adapter à l’évolution de la situation avec ses partenaires africains.

Officiellement, l’objectif de la France n’est pas de remplacer les forces armées ou la souveraineté des pays. Ce reformatage de la stratégie avait été annoncé par le président Emmanuel Macron en février 2023 qui avait annoncé une baisse «visible» des effectifs militaires français en Afrique. Cette réorganisation «n’a pas vocation à être un retrait ou un désengagement, mais elle se traduira en effet par (…) une africanisation, une mutualisation de ces grandes bases», avait-t-il expliqué.

L’annonce de la création d’un commandement pour l’Afrique, sur le modèle de la structure qui existe déjà au sein des forces armées américaines est prévue à partir du mois d’août. Le général de brigade Pascal Ianni en deviendra officiellement le chef. «Le général Ianni, ancien membre du cabinet militaire de la ministre des armées Florence Parly, a aussi occupé le poste de porte-parole du chef d’état-major des armées. Il était chargé de l’anticipation et de la stratégie au sein de l’état-major des armées, spécialiste des questions d’influence et de lutte informationnelle», précise Le Monde. Ainsi, plus récemment, Pascal Ianni était responsable de la prévision et de la stratégie au sein de l’état-major, spécialisé dans les opérations d’influence. Le portail Africa Intelligence, qui traite des questions liées à la sécurité et au renseignement en Afrique, a attiré l’attention sur le fait que la structure, jusqu’ici supervisée par le général, menait une guerre de l’information sur le continent africain.

La création du commandement pour l’Afrique semble inédite et controversée, dans la mesure où Paris a exprimé son intention de réduire sa présence militaire en Afrique centrale et occidentale à un niveau très insignifiant pour quelques centaines de personnes. Le Monde rapporte que «selon le plan envisagé par l’exécutif, révélé à l’AFP par trois sources concordantes et actuellement discuté avec les partenaires africains, la France ne gardera en principe qu’une centaine de militaires au Gabon (contre 350 aujourd’hui), une centaine au Sénégal (contre 350), une centaine en Côte d’Ivoire (600 aujourd’hui) et environ 300 au Tchad (1 000 actuellement)». Après que la France a achevé le retrait de ses troupes du Niger en 2023, après le Mali et le Burkina Faso, ces quatre États ont constitué les principaux points de sa présence militaire sur le continent.

«Le dispositif devrait ainsi compter à l’avenir aux alentours de 600 militaires, mais sera appelé à croître ponctuellement au gré des besoins des partenaires, selon ces trois sources», précise le quotidien français. Par ailleurs, la France dispose toujours d’une base militaire à Djibouti, qui abrite 1.500 militaires. Le Monde souligne que la base de Djibouti «n’est pour sa part pas concernée par cette réduction d’effectifs». Le conflit armé autour du Yémen et la volonté du mouvement Houthi Ansar Allah de couper les routes commerciales maritimes en représailles à la guerre à Gaza ont accru l’importance d’une présence dans la Corne de l’Afrique, aussi, la base de Djibouti reste importante.

Comme l’ont noté les médias français, le commandement pour l’Afrique concentrera probablement ses efforts sur l’organisation d’un soutien militaire et sur le renseignement destiné aux partenaires locaux qui se trouvent engagés dans la lutte contre les groupes rebelles.

Certains pays africains restent une zone d’instabilité politique et c’est une difficulté. Au Tchad, où il était prévu de déplacer le centre de gravité de la présence militaire française après avoir quitté le Niger, des appels ont été lancés pour l’expulsion des militaires des pays occidentaux. Comme l’a noté Stratfor -un groupe de réflexion proche de la communauté américaine du renseignement- les éléments rebelles tchadiens pourraient bien utiliser le sentiment anti-français dans une potentielle lutte de pouvoir.

C’est peut-être pour cette raison que le siège du commandement pour l’Afrique sera situé à Paris. Comme l’ont noté des publications francophones, l’armée et l’appareil de sécurité français ont récemment été soumis à des attaques d’information trop larges, de sorte que la principale priorité de la nouvelle structure sera le souci de confidentialité. L’état-major des armées françaises souhaite réduire la visibilité et la couverture.

C’est notamment pour reformater la stratégie française sur le continent que l’Elysée a créé il y a quelque temps le poste d’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, occupé par Jean-Marie Bockel. Le diplomate a ouvertement évoqué le fait que dans nombre d’États africains, comme la Côte d’Ivoire, le «modèle de fonctionnement» des bases françaises est dépassé et doit être révisé.

Jean-Marie Bockel a pour mission de construire un cadre général pour un partenariat renouvelé avec les pays africains dans lesquels il y a une présence militaire française. «D’ici fin 2024, il doit remettre son rapport [sur la réorganisation en cours en Afrique] au Président», stipule l’Institut Aspen.