L’ancien président comorien Ahmed Abdallah Sambi, 64 ans, qui est aussi le principal opposant à l’actuel chef de l’Etat, a été condamné lundi à la réclusion à perpétuité dans un procès pour “haute trahison” qu’il dénonce comme inéquitable.
La Cour de sûreté de l’Etat est une juridiction spéciale dont les décisions ne peuvent pas faire l’objet d’appel. M. Sambi “est condamné à la perpétuité et à la dégradation civique de tous les droits politiques et civils”, c’est-à-dire son droit de vote et d’éligibilité, et “la Cour ordonne la confiscation de ses biens et avoirs au profit du Trésor public”, a lu son président Omar Ben Ali à l’audience.
M. Sambi, barbe blanche et boubou bleu, était brièvement apparu la semaine dernière au premier jour du procès, visiblement affaibli après quatre ans de détention préventive alors que la durée légale est fixée à huit mois. “La composition du tribunal est illégale, je ne veux pas être jugé par cette cour”, avait-il déclaré, avant de refuser de se présenter au procès pendant toute la suite des débats.
“Il a trahi la mission qui lui a été confiée par les Comoriens”, avait martelé jeudi le procureur Ali Mohamed Djounaid d’un ton solennel en réclamant la prison à vie lors des réquisitions.
M. Sambi est accusé d’être impliqué dans le scandale de la “citoyenneté économique”. L’ancien président (2006-2011) avait fait voter en 2008 une loi permettant de vendre au prix fort des passeports à ceux en quête d’une nationalité. Un moyen de renflouer les caisses de l’Etat en offrant une terre d’accueil administrative, notamment aux dizaines de milliers de “bidouns”, bédouins des pays du Golfe considérés comme des citoyens de seconde zone dans leur patrie et privés de documents d’identité.
Faits requalifiés
M. Sambi était accusé d’avoir détourné une fortune dans le cadre de ce programme. Le préjudice pour le gouvernement s’élève à plus d’1,8 milliard d’euros, selon le procureur, soit plus que le PIB du petit archipel pauvre dans l’océan Indien.
“Ils ont donné à des voyous le droit de vendre la nationalité comorienne comme on vendrait des cacahuètes”, avait fustigé un avocat de la partie civile, Me Éric Emmanuel Sossa. Mais selon l’avocat français de la défense à l’AFP, Me Jean-Gilles Halimi, “aucune trace de cet argent n’a été démontré, aucun compte découvert”.
M. Sambi était à l’origine poursuivi pour corruption. En septembre, les faits avaient été requalifiés en haute trahison, crime qui “n’existe pas en droit comorien”, avait insisté Me Halimi. La Cour devra “se faire une construction juridique de cette notion”, avait précisé l’ordonnance de renvoi. La défense a dénoncé l’illégalité de cette juridiction, arguant que son président avait déjà siégé à la chambre d’accusation.
“Force est de constater que Sambi gêne l’agenda politique d’Azali Assoumani et qu’il fait tout pour l’écarter”, accusait la semaine dernière auprès de l’AFP sa fille Tisslame Sambi, après les réquisisions.
Islamiste populaire à la barbe blanche et la plupart du temps vêtu en tenue traditionnelle proche de celle des religieux iraniens et qui lui vaut le surnom d'”ayatollah”, Ahmed Abdallah Sambi a étudié en Arabie Saoudite, au Soudan puis dans une école théologique en Iran.
VOA Afrique