Madame l’Ambassadrice,
Le Collectif pour la Refondation du Mali (COREMA) prend note de l’attention particulière que vous semblez accorder à la paix, à la sécurité, à l’implémentation des Accords d’Alger, à l’organisation des élections et au respect des droits de l’homme.
Nous vous informons que le peuple malien tient encore plus au retour de la paix, à la fin de l’insécurité qui a déjà couté la vie à des ….maliens (civils comme militaires), à l’application des accords d’Alger, à l’organisation des élections (dont le chronogramme et le support juridique sont déjà disponibles) et le respect des droits de l’homme dont nous sommes privés depuis une décennie, du fait de l’incapacité de la communauté internationale à garantir la paix et l’usurpation de notre souveraineté par des puissances impérialistes.
Le COREMA tient à vous rappeler que le peuple Malien dans sa grande majorité souhaite voir la MINUSMA quitter le territoire de la République du Mali le plus tôt possible. Nous demeurons convaincus que la représentation diplomatique américaine au Mali pourra vous confirmer ce fait si toutefois la bonne foi prévaut.
Par ailleurs, vous avez exprimé votre préoccupation profonde à propos de la déclaration du gouvernement Malien exprimant son intention de refuser à la MINUSMA la liberté de mouvement nécessaire à l’accomplissement de son mandat en prétendant que cet acte serait une violation de l’accord sur le statut des forces (SOFA).
Le COREMA juge cependant vos « profondes préoccupations » infondées car les prérogatives de la MINUSMA ont changé à chaque renouvellement sans tenir compte de l’adaptation afférente des accords du SOFA.
Dans ce contexte, vouloir exiger en 2022 du gouvernement du Mali le respect unilatéral des accords du SOFA (devenus caduques au vu des évolutions manifestes du Mandat de la MINUSMA) est une interprétation erronée ou tout simplement de mauvaise foi desdits accords.
Nous vous prions de relire attentivement les accords du SOFA avant toute déclaration hâtive juridiquement intenable et à peine défendable.
Madame l’Ambassadrice, l’interprétation du chapitre VII du Conseil de sécurité dans sa résolution 2640/2022 qui fait fi de la quasi-totalité des sollicitations et amendements du gouvernement du Mali. Cette attitude constitue une entrave à la volonté exprimée par un Etat membre des Nations Unies et une violation flagrante de la souveraineté du Mali et du droit du peuple malien d’exprimer librement ses préoccupations et ses attentes. Nous voyons dans cet acte posé, une non-reconnaissance de notre pays en tant que pays souverain et une ferme détermination à piétiner les droits humains fondamentaux de l’ensemble du peuple Malien.
Madame l’Ambassadrice, contrairement à votre prétention, votre pays n’est pas attaché au peuple Malien sinon vous n’auriez pas supporté à bout de bras le néo-colonialisme français au Mali.
Pour nous Maliens, héritiers des empires du Ghana, du Mali et du Songhaï, il est surréel de voir aujourd’hui des pays ayant organisé pendant 300 ans l’esclavage de leurs semblables humains pour amorcer leurs développements industriels, des pays ayant initié le colonialisme aussitôt après « l’abolition de l’esclavage » pour perpétuer leurs dominations ; qui aujourd’hui s’érigent en juge, arbitre et donneur de leçons des droits de l’homme au gré de leurs intérêts nationaux.
Madame l’Ambassadrice, le peuple Malien auquel vous prétendez tant attacher n’est pas dupe. Il a été témoin de l’interprétation que votre pays les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont fait de la résolution S/RES/1973/2011 pour intervenir militairement en Libye. Ce qui a conduit à la déstabilisation programmée du Sahel en général et du Mali en particulier avec son corollaire de déversement des terroristes sans foi et ni loi sur nos territoires déjà fragilisés par la conjoncture économique et politique.
Le Mali est aujourd’hui en droit de demander réparation à l’OTAN et à ses alliés en tant que victime collatérale de vos calculs géostratégiques qui privent et continuent à priver des millions de maliens-ennes aux droits à la vie, à l’intégrité et à la liberté.
Le traitement actuel des questions sécuritaires par votre pays et ses alliés viole allègrement les articles 1 et 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, dont les Nations Unies se croient le porte étendard.
En effet, le COREMA vous recommande de ne pas percevoir le Mali et les Maliens comme de simples variables d’ajustements de vos équations géostratégiques africaines. Nous sommes un vieux peuple ayant une riche histoire séculaire qui s’oppose farouchement à toute forme de domination exogène.
Ainsi, le COREMA considère la résolution S/RES/2640/2022 comme une tentative à peine voilée des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni pour solliciter l’application de la doctrine R2P dans notre pays, tout comme la France l’a utilisé pour détruire la Libye.
Le peuple Malien résistera et se battra jusqu’au bout pour sa souveraineté, sa liberté et son droit à l’autodétermination.
Madame l’Ambassadrice, le COREMA tient à vous rappeler que le Chapitre VII de la charte des Nations-Unies ne doit et ne peut être utilisé abusivement pour dénuer aux pays en voie de développement leur souveraineté et leur droit à l’intégrité.
Madame l’Ambassadrice, le COREMA tout comme la majorité du peuple Malien soutient la décision du gouvernement du Mali en ce qui concerne la non application de la résolution S/RES/2640/202 du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Ainsi, le COREMA ne reconnait pas le Conseil de sécurité comme un gouvernement mondial habilité à s’immiscer dans les affaires intérieures des pays membres de l’ONU.
Madame l’Ambassadrice, le COREMA vous exhorte à respecter la volonté des Maliens et leur désir ardent de voir la MINUSMA quitter le Mali avant qu’elle ne soit perçue davantage comme une force d’occupation voire néocoloniale.
Madame l’Ambassadrice, nous trouvons improbable que vous et la « communauté internationale » puissent autant aimer le Mali que les Maliens eux-mêmes.
Ainsi le COREMA vous exhorte à prendre en considération le choix et les aspirations des Maliens et du gouvernement du Mali dans toutes les initiatives et décisions relatives au Mali.
Veuillez Madame l’Ambassadrice, recevoir l’expression de notre considération distinguée.
Bamako, le 02 juillet 2022
Honorable Aboubacar Sidick Fomba 1er vice-Président, porte-parole et président de la commission scientifique.