Juste avant l’entrée du parc des Virunga, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les tentes des soldats ougandais s’alignent dans le village de Mukakati, où l’armée de Kampala venue traquer les rebelles des ADF a installé une base avancée.
A environ 13 km à l’est se trouve le poste-frontière de Nobili, par où passent chaque jour depuis près d’une semaine les colonnes de soldats, de 4X4, camions bâchés, camions-citernes, blindés et mitrailleuses.
La route de terre porte les traces du passage des véhicules. Lundi matin, le correspondant de l’AFP a vu arriver à Nobili deux engins de terrassement.
« La route n’est vraiment pas bonne pour continuer (…), il faut qu’on s’arrête un peu, une semaine, le temps d’essayer d’ouvrir la voie pour nos véhicules lourds », a déclaré à des médias ougandais le major Peter Mugisa, officier d’information, en faisant aussi état de problèmes d’approvisionnement en eau potable.
En attendant de trouver une solution, des camions citernes retournent chaque matin côté ougandais pour faire le plein d’eau et reviennent l’après-midi.
Tôt le matin du 30 novembre, l’aviation et l’artillerie ougandaises ont pilonné des zones où avaient été repérées des bases des ADF (Forces démocratiques alliées), un groupe accusé par Kampala d’être responsable de récents attentats sur son sol revendiqués par l’organisation jihadiste État islamique.
Ces rebelles sont implantés depuis 1995 dans l’est de la RDC, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, frontalières de l’Ouganda, où ils sont considérés comme le plus meurtrier des groupes armés sévissant dans la région, responsable du massacre de milliers de civils, d’enlèvements, de pillages…
Après les frappes des jets ougandais, les deux armées ont dit continuer leurs opérations par des fouilles au sol. Le ministère ougandais de la Défense a fait savoir en fin de semaine que l’opération avait pour nom de code « Shujja » (celui qui est fort, en swahili) et était commandée par le général Kayanja Muhanga. Selon lui, elle fera l’objet d’une évaluation stratégique tous les deux mois.
– « Même un diable » –
Certains habitants craignent donc de voir s’installer dans la durée l’armée de ce voisin qui, comme le Rwanda, est accusé d’avoir largement contribué à la déstabilisation de l’est de la RDC depuis des décennies. Mais pour beaucoup, l’envie de retrouver la paix l’emporte.
« Nous avons confiance parce que (les militaires ougandais) sont entrés avec des munitions qui correspondent vraiment à un combattant qui va à la guerre, ça nous donne de l’espoir », déclarait à l’AFP dimanche à Nobili Papy Basweki, fonctionnaire. « Nous la population, nous allons les soutenir et l’armée aussi va collaborer », ajoutait-il.
Samy Kabonabe, président du « parlement des jeunes » de la « chefferie » (entité administrative) de Watalinga, assure de son côté que même « un diable » serait le bienvenu s’il parvenait à venir à bout des groupes armés. « Il faut stopper l’hémorragie des morts », insiste-t-il.
« D’un autre côté, c’est une défaillance de nos militaires » congolais, constate Samy Kabonaba, alors que le Nord-Kivu et l’Ituri sont depuis sept mois sous état de siège, une mesure exceptionnelle qui donne tout pouvoir aux militaires mais n’a pas permis de faire refluer la violence.
« Nous avons longtemps souffert, nous ne faisons plus nos champs… » à cause de l’insécurité, explique Zawadi Pendeza, 34 ans, elle aussi contente de voir arriver une armée qui semble aguerrie et bien équipée. Simplement, « il faut qu’elle se limite à sa mission ici chez nous », ajoute-t-elle.
Sur la piste reliant Nobili à Mukakati, des barrages sont tenus par des militaires des deux armées, soldats congolais des FARDC, ougandais de l’UPDF, qui contrôlent les papiers et bagages des voyageurs, a constaté l’AFP.
Les militaires ougandais fraternisent avec la population. Un boit une bière avec des habitants. Un autre vient acheter un jus de fruit à un petit kiosque. Des taxis motos circulent. Des fèves de cacao sèchent au soleil.