« Tout le monde fuit »: des dizaines de milliers de personnes quittaient jeudi Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), après un ordre d’évacuation de la ville lancé par les autorités face aux risques d’une nouvelle éruption, de coulées de lave en ville, voire dans les profondeurs du lac Kivu.
« Les données actuelles de la sismicité et de la déformation du sol indiquent la présence de magma sous la zone urbaine de Goma, avec une extension sous le lac Kivu », a déclaré à l’aube, dans une adresse à la population sur les médias locaux, le gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, le général Constant Ndima.
« On ne peut actuellement pas exclure une éruption à terre ou sous le lac (Kivu) qui pourrait advenir sous très peu, voire sans aucun signe précurseur », a expliqué le général Ndima, citant les noms de dix quartiers de la ville.
« C’est la peur, c’est la panique, tout le monde fuit », a déclaré à l’AFP un habitant, peu après cette annonce, qui a provoqué la fuite immédiate de dizaine de milliers de personnes vers la localité de Sake, à l’ouest de Goma, et la frontière rwandaise toute proche.
« La situation est compliquée, il vaut mieux quitter la ville car personne ne semble maîtriser », a raconté une habitante, Alliance Kimony. « Nous avons peur, à tout moment le volcan peut surgir dans chaque endroit sans choisir. Il vaut mieux partir ».
Quelques heures plus tard cependant, après d’énormes embouteillages et la cohue aux sorties sud de la ville, un relatif retour au calme pouvait être observé dans les rues, a constaté un correspondant de l’AFP.
– « Dieu nous garde! » –
« Des risques supplémentaires sont liés à l’interaction entre la lave et l’eau » du lac, a mis en garde le gouverneur, évoquant clairement le scénario catastrophe, bien connu et identifié pour le lac Kivu, d’un risque de déstabilisation du gaz sous le lac (« éruption limnique », dans le jargon des spécialistes). « Ils sont de plusieurs natures », a-t-il énuméré: « interaction du magma avec l’eau du lac, déstabilisation du volume de gaz dissous sous le lac Kivu et émission de gaz en surface potentiellement dangereux ».
« La situation peut changer rapidement, elle est sous surveillance constante », et en « prévision de cette éventuelle catastrophe, l’évacuation est obligatoire et se fera vers Sake (localité à 20 km à l’ouest de Goma), a ajouté le gouverneur de la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale.
Appelant au calme, les autorités disent avoir mis à disposition des moyens de transport et déployer des patrouilles des forces de l’ordre « pour sécuriser les biens et les personnes ».
« Les gens doivent emporter le seul minimum, pour donner la chance à tout le monde d’embarquer après avoir pris soin de fermer leurs maisons », a-t-il conclu, lançant un inquiétant « Dieu nous garde! ».
Les rues dans la partie sud de Goma ont été immédiatement envahies et embouteillées, des gens allant à pied, en trottinant ou en courant, portant des matelas, des sacs de sports ou quelques maigres biens dans des sacs plastiques, donnant la main à des enfants apeurés pour ne pas qu’ils se perdent.
Venus par la route ou par bateau via le lac, des habitants arrivaient en grand nombre à Bukavu, la capitale de la province voisine du Sud-Kivu, a constaté un correspondant de l’AFP.
– « Danger de mort » –
Des gens fuyaient également par le nord de Goma, via Rutshuru, malgré la route coupée dans cette direction par la coulée de lave de samedi.
Les départs vers le Rwanda se déroulaient dans un calme relatif, tandis qu’au fil des heures, à mesure que les habitants quittaient la ville, la panique générale semblait céder le pas à un étrange calme dans Goma en partie vidé.
« On a l’impression que tout le monde ne va pas quitter », a témoigné un habitant à la RTNC, la TV publique. « Quelques petits commerces, notamment des boulangeries, ont quand même ouvert ». Goma compte plus de 600.000 habitants, pour une agglomération de deux millions de personnes, selon l’administration.
Les dix quartiers de Goma évacués jeudi sont « exposés à des points de sortie de lave, lesquels ne sont pas prévisibles pour le moment », a insisté le gouverneur Ndima dans sa déclaration.
A ce jour, le bilan est de 32 morts depuis l’éruption samedi. Entre 900 et 2.500 habitations ont été détruites. L’eau courante a été coupée et une grande partie de la cité n’est plus alimentée en électricité. L’accès à l’eau potable est un souci majeur, aggravé par des poussières et cendres toxiques qui se mélangent aux eaux de pluie.
L’éruption la plus meurtrière du Nyiragongo avait fait plus de 600 morts en 1977
Source: La Minute Info