Paul Kagame, président du Rwanda, a certifié dans une interview à RFI et France 24 qu’il n’y avait eu aucun crime dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Deux guerres avaient frappés ce pays entre 1996 et 1997 et de 1998 à 2003.
Des propos du président rwandais Paul Kagame niant les crimes commis par des armées étrangères il y a plus de vingt ans en République démocratique du Congo (RDC) suscitaient le 18 mai de vives réactions dans le pays où beaucoup y ont vu du «négationnisme». Dans une interview accordée le 17 mai aux médias français RFI et France 24, Paul Kagame a affirmé que dans l’est de la RDC, «il n’y a pas eu de crime, absolument pas […]».
Plus grand pays d’Afrique subsaharienne, la RDC a connu deux guerres entre 1996-1997 et de 1998 à 2003, particulièrement meurtrières et qui ont déstabilisé en profondeur la région frontalière des Kivus. Le pays a frôlé l’éclatement au cours de ces conflits impliquant de nombreuses milices et les armées de plusieurs pays de la région, en particulier le Rwanda et l’Ouganda. Contacté par l’AFP, le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya n’a pas réagi immédiatement.
De nombreuses réactions en RDC La prise de position de Paul Kagame «n’est ni plus ni moins que du négationnisme des crimes commis en RDC», a déclaré à l’AFP le député Juvénal Munubo, rapporteur de la commission défense et sécurité à l’Assemblée. «Paul Kagame n’était jamais allé si loin dans sa façon de narguer les Congolais», a estimé cet élu, partisan du président Félix Tshisekedi, mais qui s’est dit «étonné du silence» des autorités congolaises.
Entre 1996 et 2002, «des armées du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi ont fait régner la terreur et des campagnes d’épuration des populations civiles. Non au négationnisme», a réagi l’ex-ministre de la Jeunesse Billy Kambale. «Nous n’accepterons pas les propos négationnistes de qui que ce soit sur les crimes commis en RDC», a fustigé pour sa part l’opposant Martin Fayulu, déplorant que «les Congolais se fassent narguer du fait de l’absence d’un leadership légitime et fort à la tête du pays». «C’est ahurissant d’entendre M.Kagame tenir de tels propos», a condamné, refusant d’être nommé, un ancien ministre et proche de l’ancien président Joseph Kabila. «Il sait très bien que des crimes graves ont été commis par les troupes rwandaises, ougandaises et burundaises.» Pour le mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), «les propos insultants et dénigrants de monsieur Kagame viennent souiller la mémoire des milliers de victimes congolaises».
Paul Kagame fustige un rapport de l’ONU Dans son interview, le président rwandais a par ailleurs accusé le docteur et Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, très en pointe dans la lutte pour la reconnaissance des crimes commis pendant les deux guerres du Congo mis en avant par le Rapport Mapping de l’ONU, «d’être un outil de forces que l’on ne voit pas». «On lui dit quoi dire […]. Le rapport du projet Mapping [qui répertorie plus de 600 violations graves des droits humains commises en RDC entre 1993 et 2003] a été extrêmement controversé en RDC, il est hautement contesté par les gens, il a été très politisé», selon Paul Kagame, pour qui d’autres rapports «disent tout à fait l’inverse».
Paul Kagame «ne peut se permettre de traiter le Dr Mukwege, notre prix Nobel, de marionnette […] Nous demandons une réaction officielle du gouvernement», a déclaré à l’AFP Bienvenu Matumo, un leader de Lucha. «Ces propos du président Paul Kagame sont une insulte à la mémoire de nos morts, une insulte à tout le peuple congolais», a dénoncé sur twitter le collectif Filimbi : «Nos autorités ne peuvent en aucun cas rester aphones! Non au négationnisme!» Sollicité par l’AFP, le chargé de communication du Dr Mukwege a simplement déclaré que «le docteur n’a pas de réaction à émettre sur les propos tenus par monsieur Kagame». «Le docteur est là et s’occupe de ses malades.»
Source: Rt