Pour la deuxième année consécutive, l’Afrique de l’Ouest doit se préparer à une crise alimentaire et nutritionnelle majeure. Les initiatives citoyennes et internationales se multiplient.
Début avril, le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) a constaté un nouveau pic de l’insécurité alimentaire dans les dix-sept pays d’Afrique de l’Ouest. Selon les experts, 19,6 millions de personnes – dont 9,2 millions au nord du Nigéria – ne mangent pas à leur faim, soit plus d’une personne sur dix (13,6%).
Un constat qui risque de s’aggraver entre juin et août, période de soudure entre les récoltes. Le RPCA parle de 23,6 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aigüe.
La situation est particulièrement préoccupante dans six pays : Nigéria, Burkina Faso, Niger, Sierra Leone, Tchad et Mali.
Un constat alourdi par la pandémie
Le système de santé des pays est trop faible pour faire face à la pandémie de Covid-19. En mars dernier, alors l’OMS s’inquiétait d’un risque de troisième vague sur le continent, les campagnes de vaccination commençaient péniblement. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont indiqué la présence de nouveaux variants, qui pourraient être plus mortels et plus contagieux. Amnesty International dénonce que « seule une personne sur 10 sera vaccinée au cours de l’année, incluant le personnel soignant et les personnes à risque « .
Une situation qui renforce les inégalités d’accès aux services de santé déjà impactées par le manque d’infrastructures et de ressources humaines.
La crise sanitaire a également des retombées socio-économiques lourdes. Dans la région du Sahel, la dépendance au secteur extractif et à l’exportation de matières premières agricoles accentue la vulnérabilité des pays aux chocs exogènes. En plus du confinement qui a ralenti les activités économiques domestiques, les perturbations du commerce international ont fait baisser la demande en matières premières.
Alors que les pays du G5 Sahel ont mis en place un programme d’appui pour répondre à la crise sanitaire en août dernier, Amnesty International a lancé une pétition pour garantir un accès équitable à la vaccination.
La recherche de la paix
Les conflits armés sont l’une des principales causes de la faim. Depuis huit ans, le Sahel affronte une montée de groupes djihadistes. Les premiers pays touchés sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger. En 2020, plus d’un millier d’attaques y ont eu lieu.
Le 13 avril, la Coalition citoyenne pour le Sahel, une alliance d’organisations de la société civile, a publié des recommandations pour ramener la paix dans la région. Le rapport présente quatre priorités : la protection civile, la crise de gouvernance, l’urgence humanitaire et la lutte contre l’impunité.
À travers le dialogue, la transparence et le renforcement des appareils judiciaires, la coalition espère améliorer la stratégie des États et des organisations dans la recherche de la paix régionale.
L’accès au marché du travail
Au Nigeria, au Libéria et à la Sierra Leone, c’est surtout l’inflation qui intensifie la faim. Les initiatives citoyennes se multiplient également dans ces pays-là. Par exemple, au Nigeria, le groupe « Feminist Coalition » promeut l’égalité dans les domaines de l’éducation, de l’autonomie financière et de l’accès aux fonctions publiques. En trois mois, l’organisation a rassemblé plus de 325 000 euros. Une somme qui a ensuite été distribuée principalement dans des aides médicales, alimentaires et sécuritaires.
En mars dernier, la Banque Mondiale a également octroyé plus de 40 millions de dollars à un projet de l’Association internationale de développement. L’objectif : appuyer le gouvernement du Liberia dans le renforcement du secteur public, et dans l’inclusion économique et sociale.
Lutte environnementale
Le réchauffement climatique aggrave l’insécurité alimentaire dans la région.
Le 6 avril, António Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, a participé un dialogue organisé par la Banque africaine de développement et le Centre mondial pour l’adaptation. Il a mis en avant l’importance des initiatives d’adaptation et de résilience et a demandé aux pays participant à la COP26 d’amener des propositions concrètes en novembre, à Glasgow.
Le plan d’investissement climatique pour la région du Sahel, établi par dix-sept pays africains, est toujours en cours pour la période 2020-2025. Doté de 350 milliards d’euros, le programme mène six projets qui tendent à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter au changement climatique.
Dépendance extérieure
Le 1er avril, le PAM s’est associé avec l’Union européenne dans un partenariat de 18 mois pour renforcer les systèmes alimentaires locaux dans le Sahel Central (Burkina Faso, Mali et Niger). Leur objectif : prévenir la malnutrition en améliorant la production, la disponibilité et la consommation d’aliments nutritifs locaux. Soutenu par une contribution de 20 millions d’euros du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique, le projet espère diminuer l’insécurité alimentaire et la malnutrition dans la région.
Si la plupart de ces initiatives apportent de l’espoir à la population locale, elles soulèvent néanmoins une question qui semble éternelle : Jusqu’où la dépendance des pays africains vis-à-vis des puissances extérieures s’étend-elle ?
Source: La Libre