Un Premier ministre par intérim a été nommé lundi en Côte d’Ivoire pour remplacer le titulaire du poste hospitalisé à l’étranger, le jour où doivent être proclamés les résultats des législatives, que le pouvoir et l’opposition ont d’ores et déjà affirmé avoir gagnées.
Les législatives de samedi se sont dans l’ensemble déroulées dans le calme, contrairement à la présidentielle d’octobre 2020, boycottée par l’opposition et ayant abouti à la réélection de M. Ouattara à un troisième mandat controversé.
Les violences avant et après le scrutin avaient fait 87 morts et quelque 500 blessés.
Lundi, la présidence ivoirienne a annoncé que Patrick Achi, secrétaire général de la présidence ivoirienne, « exerce à titre intérimaire les fonctions de Premier ministre », dans un communiqué.
Il remplace temporairement Hamed Bakayoko, 56 ans, qui avait été évacué en France le 18 février pour raisons de santé et vient d’être transféré en Allemagne, selon une source proche de la présidence.
Le président Alassane Ouattara a également nommé son frère cadet Téné Birahima Ouattara, actuel ministre des Affaires présidentielles, comme ministre de la Défense par intérim pour remplacer M. Bakayoko qui détient aussi ce portefeuille.
– Premières tendances favorables au pouvoir –
« Compte tenu de son état de santé, il devra rester encore quelques temps en hospitalisation », avait déclaré samedi le président Ouattara, demandant à tous les Ivoiriens de prier pour lui, sans préciser de quoi il souffre.
Hamed Bakayoko avait succédé en juillet 2020 au poste de Premier ministre à Amadou Gon Coulibaly, décédé quelques jours après son retour d’une hospitalisation et d’une convalescence de deux mois en France pour des problèmes cardiaques.
Ces annonces de la présidence ont été faites avant la proclamation prévue des résultats provisoires des élections législatives de samedi par la Commission électorale indépendante (CEI) dans 204 des 205 circonscriptions, ainsi que la répartition de 254 des 255 sièges à l’Assemblée nationale.
Le scrutin dans une circonscription a été annulé en raison du décès d’une candidate suppléante.
Les premières tendances donnent la majorité au parti du président Ouattara, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Le RHDP l’emporte dans la capitale Yamoussoukro et à Grand Bassam (sud), deux fiefs de la principale formation d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), selon les chiffres de la CEI.
– Appel au calme –
Patrick Achi a été réélu à Adzopé (sud), ainsi que Hamed Bakayoko qui l’emporte largement dans son fief de Séguéla (nord) malgré son absence.
A Abidjan, dans la commune de Youpougon, plus grande circonscription du pays avec près de 500.000 électeurs (sur 7,4 millions pour l’ensemble du pays), l’opposition a appelé ses partisans « à rester calmes » dans l’attente des résultats officiels.
Sans même attendre ces résultats, le RHDP et le PDCI, ont revendiqué leur victoire dimanche.
« Notre objectif était de remporter autour de 60% des sièges, nous y sommes », a déclaré à la presse Adama Bictogo, numéro deux du RHDP.
Niamkey Koffi, coordinateur général pour les législatives du PDCI, a lui aussi revendiqué la victoire. « Nous pensons être autour de 128 sièges avec nos alliés », a-t-il affirmé, soit juste la majorité des 255 députés de l’Assemblée nationale.
« Notre inquiétude, c’est la manipulation des résultats », a dit M. Koffi.
– Retour attendu de Laurent Gbagbo –
Il a dénoncé « des résultats provisoires émaillés de tricheries, de tripatouillages, de manipulations » dans plusieurs grandes villes, accusations récusées par M. Bictogo.
Le PDCI de l’ex-président Henri Konan Bédié a formé une alliance avec Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), coalition regroupant les partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo, dominée par son parti, le Front populaire ivoirien (FPI).
Pour la première fois depuis dix ans, c’était donc l’ensemble des principaux acteurs politiques qui participaient aux élections, laissant espérer qu’elles permettent d’apaiser la vie politique d’un pays à l’histoire récente marquée par de fortes tensions et des violences électorales.
Ces législatives ont marqué le grand retour du FPI de Laurent Gbagbo. Son parti boycottait tous les scrutins depuis l’arrestation de M. Gbagbo en avril 2011 à Abidjan et son transfèrement à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, après des violences post-électorales ayant fait quelque 3.000 morts.
La CPI devant laquelle Gbagbo a comparu pour crimes contre l’humanité avant d’être acquitté, l’a autorisé à quitter la Belgique, où il réside depuis sa libération conditionnelle par la Cour pénale internationale (CPI) en janvier 2019, dans l’attente d’un éventuel appel de la procureure de la CPI d’ici le 31 mars si le pays où il souhaite se rendre accepte de le recevoir.
L’enjeu du scrutin pour l’opposition est d’obtenir suffisamment d’élus à l’Assemblée nationale pour empêcher « la consolidation d’un pouvoir absolu » du président Ouattara et de son parti.
Pour poursuivre la politique de « réformes » du chef de l’Etat, le RHDP entend lui conserver sa majorité qualifiée de 167 sièges sur 255, obtenue en décembre 2016 alors qu’il était allié au PDCI.
Source: La Minute Ifo