Cris ou larmes de joie, pas de danse: plus d’une centaine de personnes ont pris d’assaut l’enceinte de la prison de Makala à Kinshasa en République démocratique du Congo pour saluer la libération du colonel Eddy Kapend, l’un des principaux condamnés pour l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila.
Décontracté et serein, coiffé de son képi de militaire, Eddy Kapend a été escorté par les forces de sécurité congolaises et une armée des taxi-motos jusqu’à sa résidence où il a pris un bain de foule en milieu d’après midi.
“Ca y est, il est là, il est libre, papa est là”, criait-on à tue tête, tandis que le colonel saluait la foule depuis un balcon, arborant un léger sourire avant de s’éclipser dans la maison.
Des danseurs folkloriques ornés des raphia et de plumes haranguaient la foule qui s’est formée pour la circonstance.
“Les mots ne peuvent vraiment pas exprimer ce que je ressens, je n’arrive pas à croire que c’est réel, qu’il est là au salon”, a déclaré à l’AFP Cathy Kapend, sa fille de 23 ans, émue.
Cette expérience à été “dure pour nous et pour notre maman”. Sans trop penser à comment il pouvait sortir de la prison, “j’avais la foi, je ne l’imaginais pas mourir en prison”, a ajouté cette étudiante de droit qui n’avait qu’environ 4 ans lors de l’arrestation de son père en 2001.
Âgé de 61 ans, Eddy Kapend et 21 autres militaires ont auparavant participé à une cérémonie officielle organisée dans l’enceinte de la prison vendredi pour marquer leur libération.
Débarrassés de leur tenue de prisonnier, les 22 hommes sont sortis de Makala, la grande prison de Kinshasa, accueillis par leurs proches, parfois en larmes.
Une 23e homme, un civil, Georges Leta, ancien chef de l’Agence nationale des renseignements (ANR), est également sorti de prison, mais n’a pas assisté à la cérémonie en raison d’une maladie.
Les 23 hommes, bénéficiaires de mesure d’une grâce du président Félix Tshisekedi, avaient été condamnées à mort en juillet 2001 par un tribunal militaire pour l’assassinat de l’ancien chef de l’État Laurent-Désiré Kabila, tombeur du dictateur Joseph- Désiré Mobutu (1965-1997).
– Réouverture du procès –
Acteur central des deux guerres du Congo (1996-1998 et 1998-2003), Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001 dans son bureau par l’un de ses gardes du corps, tué par le colonel Eddy Kapend – alors aide de camp du chef de l’Etat – immédiatement après avoir tiré sur le président.
“Le président a accordé cette grâce pour des raisons purement humanitaires (…) Cette grâce n’est pas un chèque en blanc”, a déclaré Bernard Takaishe, vice-ministre de la Justice, s’adressant aux 22 bénéficiaires présents.
“Il ne faut pas que demain vous puissiez vous retrouvez dans les situations qui ont fait que vous soyez privés de liberté”, a-t-il ajouté.
“La grâce ne va pas effacer les crimes pour lesquels vous avez été condamnés”. Une telle mesure a été prise “tout simplement parce qu’on veut remettre le pays sur les rails, apporter une certaine quiétude aux Congolais”, a-t-il nsisté.
Interrogé à leur sortie de prison, certains bénéficiaires ont plaidé pour la réouverture du procès.“Mon vœu c’est de voir la réouverture de ce procès pour être lavé. Je suis un ressuscité, je le dis avec les larmes aux yeux”, a déclaré Césaire Muzima, âgé de 54 ans, qui clame son innocence. “J’ai été condamné à mort pour +trahison+. J’ai trahi qui?” s’est-il interrogé, en disant être “à la disposition de la nation”.
Malgré l’insistance de l’AFP, personne dans l’entourage de l’ex-président Joseph Kabila, fils du défunt président Laurent-Désiré Kabila, n’a voulu commenter dans l’immédiat ces libérations.
La mesure de grâce a été prise par le président Tshisekedi le 31 décembre, après que le chef de l’État a mis fin le 6 décembre à la coalition qu’il formait avec le camp de son prédécesseur et fils du défunt président, Joseph Kabila.
Source: Tv5 Monde