Les processus actuels propres à l’ère multipolaire ne concernent pas seulement les événements géopolitiques et sécuritaires en cours, mais évidemment aussi les nombreux aspects géoéconomiques. Dédollarisation, mise en place d’instruments financiers alternatifs à ceux de l’Occident, mais également la perte désormais parfaitement visible de parts de marché des acteurs occidentaux ayant longtemps dominé presque sans partage des secteurs importants de la finance internationale, font partie de ces processus.
Alors que le Sommet des BRICS approche, durant lequel de nombreuses questions fortement importantes seront abordées: de la question d’adhésion de nouveaux membres, qui d’autant plus sont effectivement nombreux, jusqu’à la question de la mise en place d’une monnaie commune parmi les pays membres, l’ordre multipolaire international continue sans relâche de s’imposer face aux nostalgiques de l’unipolarité. Le tout à l’heure où le PIB combiné des cinq Etats membres actuels des BRICS dépasse déjà celui des sept participants du club occidental + Japon nommé G7.
La question très importante de la dédollarisation ne sera pas en reste. Comme le note le média marocain Perspectives Med citant l’expert suisse Guy Mettan: «La grande crainte de l’Europe et des Etats-Unis, c’est que s’il y a une émancipation des BRICS, s’il y a une émergence du monde multipolaire avec d’autres puissances indépendantes, c’est la fin du règne non seulement militaire, mais également du règne financier des Etats-Unis. Parce que la suprématie du dollar, c’est au fond avoir une rente gratuite sans payer le prix».
Si ces paroles sont à bien d’égards parfaitement justifiées, il serait tout de même correct de rajouter qu’aujourd’hui il n’est plus vraiment question d’émergence du monde multipolaire, qui est déjà une réalité, mais bel et bien de l’apparition du monde multipolaire post-occidental. Face au refus des régimes occidentaux à faire preuve d’un minimum d’adaptation aux règles du monde contemporain, dans lequel les peuples non-occidentaux représentent non plus seulement l’écrasante majorité démographique, mais aussi s’imposent chaque jour un peu plus dans la sphère des processus économiques mondiaux. Des processus d’ailleurs ayant reçu un certain «coup de pouce» via l’arrogance des dites régimes otanesques de l’Ouest.
Et là aussi ce n’est pas tout. China UnionPay, l’entreprise chinoise de services financiers basée à Shanghai, représentée dans pas moins de 180 pays du monde, a réussi, suite aux récentes données publiées, à l’issue de 2022 – à prendre un peu plus de 40% du marché mondial des cartes de débit. En détrônant ainsi les concurrents étasuniens, longtemps leaders incontestés, que sont Visa et Mastercard (qui possèdent respectivement désormais 38,78 et 21% des parts du marché mondial). Et compte tenu de la multiplication d’initiatives en vue de réduire la dépendance à l’échelle internationale vis-à-vis des instruments financiers occidentaux – cela représente indéniablement un coup dur supplémentaire pour les intérêts de l’Occident. D’autant plus que le processus est fort loin d’être terminé.
Face à cette dernière nouvelle, et au-delà des processus qui continuent de monter en puissance dans le cadre de la dédollarisation, il reste aujourd’hui aux pays BRICS et à leurs alliés, y compris dans le cadre du concept BRICS+ à donner un élan supplémentaire en vue de la mise en place d’alternatives fortes au système occidental de communication entre institutions financières, qu’est le Swift. Ces alternatives existent, notamment du côté chinois et russe, et se doivent désormais de prendre un envol en vue de casser définitivement la dépendance face à des instruments étant sous contrôle de-facto directe des élites atlantistes.
Tout cela représente que les quelques aspects, mais effectivement très importants pour l’avenir planétaire, des processus en cours et à venir à l’échelle globale du monde. Restera évidemment aussi, comme déjà abordé précédemment, à nettoyer des structures dites internationales de la présence d’éléments occidentaux ou acquis à la cause de l’extrême minorité planétaire. A défaut d’en créer tout simplement de nouvelles – qui seront beaucoup représentatives du visage actualisé de la véritable et seule communauté internationale. L’Occident ayant raté sa chance de s’intégrer à la multipolarité, n’aura alors qu’à observer la suite des événements contemporains.
Observateur continental