En mars dernier, des associations et partis politiques ont dénoncé un « vide juridique » après la fin officielle de la transition malienne, et appelé à la tenue des élections. Mais pour le gouvernement Goïta, qui juge « subversives » les activités de ces organisations, l’urgence semble ailleurs.
Au Mali, le président de la Transition, Assimi Goïta (photo), a signé un décret suspendant les activités de tous les partis et associations politiques. L’annonce a été faite à l’issue du Conseil des ministres du mercredi 10 avril 2024.
« Sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, pour raison d’ordre public, les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l’étendue du territoire national », précise le décret.
D’après le communiqué, cette décision se justifierait par la hausse observée des « actions de subversion des partis politiques et de leurs alliés ». Bien que ces actions n’aient pas été détaillées, il faut préciser que la décision intervient quelques jours après que plusieurs partis, regroupements politiques et associations de la société civile ont appelé à la tenue des élections.
Faut-il le rappeler, le gouvernement d’Assimi Goïta au pouvoir depuis près de 3 ans après un putsch, avait annoncé en septembre 2023 le report de la présidentielle prévue en février 2024 pour une date inconnue. Pour justifier leur décision, les autorités avaient cité des raisons techniques, notamment liées à des dispositions constitutionnelles et à des problèmes avec la société française IDEMIA qui a constitué la base de données du Recensement administratif à vocation d’Etat civil (RAVEC).
C’est dans ce contexte que la Transition, initialement prévue pour 24 mois, a légalement pris fin le 26 mars 2024 après une prolongation, créant ainsi « un vide juridique », selon les partis politiques et associations. Ceux-ci ont alors appelé fin mars, à une concertation rapide pour mettre en place une architecture institutionnelle facilitant l’organisation du scrutin, dans les meilleurs délais, tout en demandant aux autorités d’utiliser tous les moyens légaux pour restaurer l’ordre constitutionnel. Une vision qui semble-t-il n’est pas partagée par les militaires maliens au pouvoir.
« On n’est pas du tout dans un vide juridique, la Transition continue », a déclaré aux journalistes, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, cité par Le Monde.
Touché par une crise sécuritaire, le Mali fait face à des attaques terroristes qui se poursuivent malgré la prise de pouvoir du colonel Goïta. Ayant mis fin au partenariat de son pays avec la France, privilégiant désormais la Russie, il avait promis d’éradiquer le terrorisme et de conserver l’intégrité territoriale du pays. Malgré les tentatives, ces dernières années, de dissiper les craintes concernant une conservation du pouvoir par les militaires au mépris des élections, les autorités avaient émis de nombreux signaux indiquant que la passation du pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu ne faisait pas partie de leurs priorités. Cette vision des choses avait contribué à détériorer les relations avec la CEDEAO qui avait fait du retour à l’ordre constitutionnel une condition pour une réintégration définitive du Mali dans ses instances.
Pour l’heure, aucun communiqué n’a encore été émis par la société civile pour réagir à cette décision, mais déjà, les réactions sur les réseaux sociaux sont contrastées entre les partisans pour la démocratie et les soutiens du régime en place.
Notons qu’en février dernier, les autorités avaient déjà annoncé la suspension des activités de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM).