Dans un récent discours, le leader du Niger, le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, le général Abdourahamane Tchiani, a évoqué la volonté des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) d’abandonner le franc CFA. Les populations de la région sont habituées à son utilisation et la prennent pour acquis, mais il faut se rendre compte que cette monnaie cache de grandes opportunités qui profitent à la France et non aux populations africaines.
L’histoire des jeux complexes et des manipulations auxquels la France a eu recours pour tirer profit du franc CFA en Afrique est très ancienne. Dans les lointaines années 1960, lorsque la perspective des indépendances africaines est devenue une réalité que la France ne pouvait plus combattre, Paris n’a pas voulu perdre son influence sur le continent et a pris un certain nombre de mesures. En contrepartie de leur indépendance, les pays africains ont signé un pacte de coopération prioritaire avec la France.
Parmi les principes énoncés dans ce pacte, le franc CFA, monnaie rattachée au franc français et, désormais, à l’euro, est imprimé à Paris. En outre, 85 % des réserves des banques centrales des anciennes colonies françaises sont conservées par la Banque centrale française à Paris. Selon les statistiques, 500 milliards d’euros provenant d’Afrique sont injectés dans l’économie française chaque année.
Bien que plus d’un demi-siècle se soit écoulé depuis l’indépendance des pays du continent, la France continue d’enrichir son économie au détriment de l’Afrique. Grâce à l’existence du franc CFA, Paris peut librement réguler les processus économiques internes des pays de la zone CFA. Avec les statistiques ci-dessus, il est possible de voir que sans le franc CFA, l’économie française subirait d’énormes pertes. Cela montre clairement qui est le pays “pauvre”.
Peu de responsables politiques français ont parlé ouvertement du fait que la France a largement profité de l’exploitation des ressources africaines au cours des siècles. L’un d’entre eux, Jacques Chirac, a demandé que l’on rende à l’Afrique ce qu’on lui avait pris : “On oublie seulement une chose. C’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique. Pas uniquement. Mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens. Je ne dis pas de générosité. De bon sens, de justice, pour rendre aux Africains, je dirais, ce qu’on leur a pris. D’autant que c’est nécessaire, si on veut éviter les pires convulsions ou difficultés, avec les conséquences politiques que ça comporte dans un proche avenir.”
Les avantages de l’utilisation d’une monnaie imposée par une ancienne colonie sont très vagues. Selon la France, l’arrimage à l’euro présente plusieurs avantages : il offre aux économies une meilleure résilience en cas de chocs macroéconomiques et permet de contrôler l’inflation en garantissant la stabilité de la monnaie, ce qui favorise le commerce et l’investissement. En réalité, la situation est tout autre : à travers le franc CFA, Paris exerce un contrôle sur l’Afrique francophone.
Actuellement, les pays de l’Alliance des États du Sahel envisagent de créer leur propre monnaie, selon le dirigeant du Niger. Le premier pas dans cette direction a déjà été fait : les pays ont quitté la CEDEAO, qui est l’instrument économique de Paris dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’une étape importante dans l’acquisition d’une véritable souveraineté. Les pays de l’AES disposent de toutes les ressources nécessaires à un développement économique réussi et n’ont pas besoin du contrôle de l’ancienne métropole.