La France a révoqué l’arrêté ministériel autorisant l’extradition en 2020 du frère de l’ancien président Blaise Compaoré, Paul François Compaoré, vers le Burkina Faso, où il est accusé du meurtre d’un journaliste en 1998, a annoncé jeudi la Chancellerie.
“Le décret a été abrogé le 13 décembre”, a annoncé le président de la chambre d’extradition de la cour d’appel de Paris lors d’une audience mercredi sur la levée du contrôle judiciaire de M. Compaoré ordonnée en 2017 dans le cadre de la procédure d’extradition.
L’abrogation de l’extradition de M. Compaoré “fait suite à l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) du 7 septembre 2023, qui a constaté une violation de l’article 3 en cas d’extradition du requérant vers le Burkina Faso”, a résumé le ministère de la Justice. Cet article de la Convention européenne des droits de l’homme interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Le décret d’abrogation, signé par la Première ministre Elisabeth Borne, est un acte rare, ont relevé deux sources proches du dossier. Les avocats de M. Compaoré, Clara Gérard-Rodriguez et Pierre-Olivier Sur, n’ont pas souhaité faire de commentaire.
Paul François Compaoré, frère cadet de l’ancien président du Burkina Faso (1991-2014) et l’un de ses proches conseillers, est poursuivi au Burkina Faso pour le meurtre du journaliste d’investigation Norbert Zongo et des trois hommes qui l’accompagnaient, le 13 décembre 1998.
Il avait été arrêté le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy, près de Paris, en exécution d’un mandat d’arrêt international émis par Ouagadougou.
Le Burkina avait demandé son extradition à la France, assurant par la suite que même si M. Compaoré était condamné à mort par un tribunal indépendant, la sentence ne serait pas exécutée. Libéré sous contrôle judiciaire le 30 octobre 2017, M. Compaoré, qui réside en France, a interjeté plusieurs recours.
La justice a autorisé son extradition en 2018, puis un arrêté ministériel a été signé en 2020, validé par le Conseil d’État en 2021. Mais le 7 septembre, la CEDH, agissant au nom de la défense de M. Compaoré, a jugé que la France devait réexaminer le décret.
“Le contexte a changé”, a relevé le président de la chambre d’extradition, évoquant les deux coups d’Etat successifs dans le pays en 2022. Vêtu d’un costume bleu marine, Paul François Compaoré n’a pas souhaité s’exprimer lors de la brève audience.
Son avocate, Clara Gérard-Rodriguez, a souligné que “M. Compaoré a constamment contesté son extradition”, ce qui comportait “des risques sérieux pour ses droits fondamentaux”.
“Il n’a plus aucune procédure en cours” et rien ne justifie son placement sous contrôle judiciaire, a-t-elle ajouté.
Les relations entre la France et le Burkina Faso se sont considérablement détériorées depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré lors d’un coup d’État en septembre 2022.
Africa News