Le président de la LDH déclare avoir honte pour la France et être inquiet pour les libertés publiques

- Le président de la Ligue des droits de l’homme, Patrick Baudouin, a déclaré dans un entretien au quotidien Le Monde : « hormis la période de l'Occupation, nous n’avons jamais été attaqués aussi frontalement par un gouvernement »

Drapeau de la France

En pleine polémique avec le gouvernement Borne, après s’être élevée contre les violences policières, la Ligue des droits de l’homme (LDH), par la voix de son président Patrick Baudouin, a déclaré que « Les libertés publiques en France sont en péril ».

Baudouin a dénoncé dans un entretien au Monde les propos « très grave » de la première ministre, Élisabeth Borne -qui avait dit « ne plus comprendre certaines prises de position » de la Ligue des droits de l’homme- affirmant qu’il était « à la fois blessé et révolté ».

« Après les déclarations de Darmanin, on a senti un flottement chez plusieurs ministres, ou pour le moins une gêne : on espérait que Mme Borne recadrerait son ministre dans un sens plus républicain, et plus respectueux de la liberté associative. Aujourd’hui, j’ai quelque peu honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux », a déploré le président de la LDH, en allusion aux propos du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui avait affirmé que « la subvention donnée par l’État à la LDH mérite d’être regardée dans le cadre des actions qui ont pu être menées ».

Baudouin concède que « Dans la mesure où la Ligue des droits de l’homme reçoit des subventions publiques, elle est l’objet de contrôles, en particulier de la Cour des comptes, et nos finances sont transparentes ». Cependant, le président de la LDH ne cache pas son inquiétude face à la perspective de voir l’octroi de subventions être « apprécié par le regard que l’Etat portera sur nos actions ».

« C’est exactement ce que font Viktor Orban, Benyamin Nétanyahou ou Vladimir Poutine. Cela voudrait dire qu’on va vous accorder des subventions si votre comportement va dans le sens du pouvoir », a-t-il tancé.

Selon lui, « au-delà de la seule LDH, c’est la liberté associative qui est en jeu ».

La LDH est notamment critiquée pour sa présence sur le terrain en tant qu’observatrice, lors des opérations de maintien de l’ordre. « On a largement constaté, documenté et contesté le recours à des méthodes de répression policière violente, un retour à des violences disproportionnées comme au moment des gilets jaunes », explique Baudouin.

Sur la question des violences à Sainte-Soline, Baudouin a déclaré sans ambages : « J’estime que la LDH a visé très juste avec Sainte-Soline », avant d’accuser le gouvernement d’avoir cherché « une sorte de bouc émissaire, qu’on cloue au pilori ».

Selon Baudouin, « Darmanin a présenté la Ligue comme émettant des contre-vérités. Il en a en réalité pris ombrage, parce qu’il y a une inquiétude du pouvoir (…) Ce qui gêne le pouvoir, ce n’est pas la LDH, c’est le regard sur la France à l’étranger ».

** Ambiguïtés face à l’islamisme radical : une contre-vérité absolue

Dans ses accusations à l’encontre de la LDH, Elisabeth Borne avait évoqué les « ambiguïtés » de la LDH « face à l’islam radical ». Baudouin s’est défendu en déclarant : « Venir nous dire qu’il y aurait une ambiguïté face à l’islamisme radical est une contre-vérité absolue, qui est inacceptable. Il y a, derrière ce propos, en réalité, autre chose. Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait ce procès ».

Et le président de la LDH d’ajouter : « Nous défendons tous les droits, même ceux des terroristes à être jugés équitablement, et non par des justices d’exception. Nous défendons aussi les droits des personnes accusées d’islamisme radical, tout en condamnant absolument les actes eux-mêmes, nous défendons le droit des djihadistes à un procès équitable (…) Nous souhaitons que les poursuites se fassent dans le respect du droit ».

Le responsable en chef de la LDH assure en ce sens qu’« Il y a, à l’évidence, une montée de l’islamophobie ».

« Nous assumons d’être un contre-pouvoir, parce que tout pouvoir comporte sa part d’ombre en ce qui concerne le respect des droits et libertés. Mais hormis la période de l’Occupation, nous n’avons jamais été attaqués aussi frontalement par un gouvernement », a-t-il insisté.

« Les libertés publiques en France sont en péril. Vraiment » a-t-il déploré, faisant observer que « depuis les attentats de New York en 2001, tous les pays, y compris démocratiques, ont adopté des législations d’exception au nom de la lutte antiterroriste ».

Le président de la LDH a pointé sur un ton ironique la couverture médiatique de certain médias français, évoquant le cas de la chaîne CNews : « Cette chaîne affichait récemment : « La Ligue des droits de l’homme, ennemi de l’Etat ? » Non, la Ligue des droits de l’homme est une amie de l’Etat de droit », a conclu Patrick Baudouin.

Anadolu Agency