Dans un entretien accordé à Public Sénat, le chercheur Antoine Bondaz (Fondation pour la recherche stratégique) estime que l’Europe doit «faire entendre sa voix», mais affirme que «Emmanuel Macron surestime le poids de la France».
Si les médias occidentaux insistent sur le fait que le président français a demandé à la Chine d’intervenir pour pousser la Russie à entamer des négociations concernant le conflit en Ukraine, le New York Times signale que le président chinois, Xi Jinping, n’a pas indiqué s’il utiliserait ses relations étroites avec Moscou pour pousser la Russie à négocier. L’expert liste les erreurs d’Emmanuel Macron qui annoncent déjà à un échec de sa visite en Chine.
«Essayer de convaincre la Chine de faire pression sur la Russie apparaît complètement illusoire». «Je sais pouvoir compter sur vous pour ramener la Russie à la raison et tout le monde à la table des négociations», a, selon Ouest-France, adressé Emmanuel Macron à Xi Jinping. Emmanuel Macron a tweeté: «Je suis convaincu que la Chine a un rôle majeur à jouer dans la construction de la paix. Voilà ce sur quoi je viens échanger, avancer. Avec le Président XI Jinping, nous allons parler aussi de nos entreprises, du climat et de la biodiversité, de la sécurité alimentaire».
«Essayer de convaincre la Chine de faire pression sur la Russie apparaît complètement illusoire, surtout après la visite du président chinois à Moscou», déclare Antoine Bondaz car «dans le dossier ukrainien, il faut avoir des attentes réaliste». Pour l’expert, Emmanuel Macron peut se limiter à «obtenir certains engagements de la part de la Chine tout en affichant l’unité de l’Union européenne».
Sanctions contre la Chine. Le voyage d’Emmanuel Macron a pour mission d’envoyer un avertissement à la Chine, en lui exposant les potentielles conséquences de livraisons d’armes à Vladimir Poutine. «Il faut mettre sur la table d’éventuelles sanctions», martèle Antoine Bondaz. Le but du déplacement du président français a été de pousser Pékin à indiquer sa position sur le déploiement d’armes nucléaires à l’étranger. «Si Pékin refuse d’afficher officiellement sa position, cela aura quand même pour effet de mettre en avant ses contradictions», souligne Antoine Bondaz. Le voyage d’Emmanuel Macron en Chine ressemble à une déclinaison de pièges.
Même si Ouest-France fait savoir que «les deux dirigeants se sont accordés sur leur refus de l’utilisation de l’arme nucléaire dans le cadre de la guerre en Ukraine et prônent le dialogue de paix», le New York Times signale que le président chinois, Xi Jinping, n’a pas indiqué s’il utiliserait ses relations étroites avec Moscou pour pousser la Russie à négocier.
Est-ce que la France a le moyen de peser sur les choix de la Chine?
«Le chef de l’Etat est très ambitieux, et surestime sans doute le poids de la France. Il faut être plus réaliste et viser ce qui est atteignable», affirme Antoine Bondaz. «En matière de communication, la France est considérée comme trop ambiguë. Nous prétendons être à équidistance de la Chine et des Etats-Unis, ce qui est faux, car nous partageons très largement les préoccupations de nos partenaires, notamment américains. Le concept de puissance d’équilibre est trompeur et instaure des malentendus», avertit l’expert.
Des ambiguïtés, également, dans le domaine économique. Antoine Bondaz n’est pas plus conciliant vis-à-vis les objectifs du président français dans le domaine économique. Selon lui, «le but est là encore de clarifier les choses» car «il y a un certain nombre d’ambiguïtés». Public Sénat note que «la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen évoque la nécessité de faire du dérisquage, c’est-à-dire d’engager une politique de réduction des risques économiques en diversifiant les partenaires de l’Union». Mais, Antoine Bondaz pointe des ambiguïtés: «Nous envoyons cette semaine en Chine une délégation comportant une soixantaine de chefs d’entreprise, contre seulement quinze membres de la société civile. Il y a un déséquilibre évident, alors même que le président Macron n’a pas fait dernièrement de grands voyages à l’étranger avec de telles délégations économiques».
France Inter traduit qu’ «Emmanuel Macron et Ursula Von der Leyen peuvent tenter d’obtenir du numéro un chinois une avancée sur l’Ukraine, peut-être une promesse de parler au Président Zelensky. Mais sans doute guère plus». «Hier, les premiers ministres russe et chinois se sont parlé, et ont proclamé que les relations sino-russes n’ont jamais été aussi bonnes», rappelle le média français. «Difficile d’échapper à la logique des blocs qui prend forme, l’Europe a raison d’essayer mais les vents contraires soufflent fort», termine France Inter qui stipule que la France s’en tient à la logique d’ «une seule Chine», la doctrine officielle qui nie toute existence légale à Taïwan. Emmanuel Macron évoque l’Ukraine, mais garde le silence sur Taïwan, prouvant que la France ne fait pas le poids. Pourtant, selon le Huffington Post, celui-ci aurait tenté de le faire alors qu’il évoquait l’Ukraine en lançant: «Je crois que c’est aussi une question importante pour la Chine, autant qu’elle l’est pour la France et pour l’Europe».
Le voyage d’Emmanuel Macron en Chine est délicat puisqu’il ne s’agit «pas de provoquer Pékin, mais simplement de rappeler nos intérêts fondamentaux», conclut Antoine Bondaz.
Observateur Continental