Environ 65 000 habitants ont fui la ville de Damasak, dans le nord-est du pays, selon les Nations unies. Une vingtaine de personnes ont été tuées cette semaine.
C’est une ville entière qui s’est vidée. Environ 65 000 personnes ont fui Damasak, dans le nord-est du Nigeria, a annoncé vendredi 16 avril l’Organisation des Nations unies (ONU), après une série d’attaques qui ont fait, selon des sources locales, plus de vingt morts. Baba-Sheikh Haruna, conseiller pour le gouverneur de l’Etat de Borno, a indiqué que la dernière en date, mercredi, avait fait dix-huit morts, auxquels il faut ajouter quatre autres personnes tuées mardi.
Des djihadistes du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) ont assailli samedi et mercredi Damasak, ville stratégique aux confins du lac Tchad, à la frontière entre le Nigeria et le Niger. Ils ont brûlé de nombreux bâtiments, notamment des postes de police, une clinique et les bureaux du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
« A la suite de la dernière attaque, survenue mercredi 14 avril, (…) près de 80 % de la population totale de la ville, qui inclut à la fois les habitants et les déplacés, a été contrainte de partir », a fait savoir Babar Baloch, porte-parole du HCR.
Des travailleurs humanitaires visés
Certains ont fui vers Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno, où déjà plus d’un million de personnes se sont réfugiées depuis toutes les années que dure le conflit entre l’armée et les groupes jihadistes. Beaucoup d’autres ont traversé la frontière pour se rendre vers Diffa, au Niger voisin, un pays parmi les plus pauvres du monde.
Les 85 000 personnes qui vivaient à Damasak dépendaient essentiellement de l’aide humanitaire, mais toutes les organisations non gouvernementales (ONG) ont également dû quitter la ville par peur des violences.
« A cause de l’insécurité, le travail des humanitaires est de plus en plus difficile dans de nombreuses régions de l’Etat de Borno, y compris pour le personnel du HCR, qui a été obligé de se retirer de Damasak cette dernière semaine », a déclaré l’ONU.
« Le personnel des ONG a réussi à se cacher et à s’échapper de la ville », indique également Action contre la faim (ACF) dans un communiqué publié vendredi. « Mais à la suite de recherches menées de porte en porte par les groupes armés, leurs maisons personnelles ont été incendiées, ce qui démontre un niveau sans précédent de ciblage des travailleurs humanitaires. »
« La détérioration de la situation en matière de sécurité a maintenant atteint son paroxysme », a déclaré le directeur général d’ACF, Jean-François Riffaud.
L’armée nigériane a démenti toute attaque sur la ville, affirmant que les troupes avaient réussi à « repousser les “terroristes” », et que tout était revenu à la normale.
« Grâce à une coordination de l’armée de terre et de l’armée de l’air, les “terroristes” n’ont pas pu faire de Damasak ni de Gajiram leurs sanctuaires », écrit l’armée, qui affirme que les djihadistes ont perdu de nombreux combattants et ont connu leur « Waterloo ».
Depuis le début de la rébellion du groupe islamiste radical Boko Haram, en 2009, dans le nord-est du Nigeria, le conflit a fait près de 36 000 morts et 2 millions de déplacés. En 2016, le groupe s’est scindé entre la faction historique et l’EIAO, reconnu par le groupe Etat islamique.
Le président, Muhammadu Buhari, 78 ans, est rentré jeudi d’un séjour de deux semaines à Londres pour raisons médicales. Elu pour la première fois en 2015, cet ancien général avait promis de mettre fin à la rébellion jihadiste, mais il est actuellement décrié, au vu de la situation sécuritaire alarmante qui est celle du pays entier.
Source: Le Monde