Voici un extrait du récit des cérémonies de l’indépendance de la Côte d’Ivoire tel qu’il a été relaté par l’AFP le 7 août 1960.
A minuit, le Premier ministre Houphouët-Boigny, entouré des trois chefs des Etats de l’Entente, et de M. Louis Jacquinot, ministre d’Etat, représentant la République française, a proclamé l’indépendance de la Côte d’Ivoire au cours d’une séance solennelle à l’Assemblée nationale.
Deux « Marseillaise » avaient accueilli tour à tour à leur arrivée le représentant de la France et le chef de l’Etat ivoirien qui avaient pris place à la tribune présidentielle tandis qu’une foule compacte poussait de frénétiques vivats.
« En vertu du droit qu’a tout peuple à disposer de soi-même, je proclame solennellement l’indépendance de la Côte d’Ivoire », a déclaré M. Houphouët-Boigny d’une voix émue.
Pour la première fois, « l’Abidjanaise », l’hymne national ivoirien, exécuté par la musique de la Garde républicaine a retenti tandis qu’une salve de 1O1 coups de canon était tirée et que la foule clamait son enthousiasme.
La nécessité d’une union de l’Afrique
Dans son discours, M. Houphouët-Boigny a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’une union de l’Afrique et d’une prochaine « table ronde » déclarant notamment : « Ce que nous devons apporter de plus à ce monde déchiré et inquiet c’est notre amour sincère de la paix et de la justice. A cette tâche, les Africains d’expression française, tous les Africains se doivent de s’unir et de se concerter afin de soustraire leur pays à un souci de compétition, afin de faire de cette Afrique une terre de réconciliation des peuples. C’est notre vocation ».
Assurant par ailleurs que seule la justice peut soutenir la paix « non pas la paix des braves mais la paix des justes », M. Houphouët-Boigny a ajouté : « C’est parce que nous avons la conviction sincère qu’en réalisant la paix des justes nous assurerons le triomphe final de la fraternité humaine ».
Le chef de l’Etat ivoirien, qui a été acclamé à plusieurs reprises, a rendu un nouvel hommage au général de Gaulle qui « en libérant les peuples africains d’expression française est entré dans l’immortalité » et dont il a lu lui-même à la fin de son discours le « message à la Côte d’Ivoire ».
C’est par dizaines de milliers – sinon centaines – car il était impossible d’évaluer leur foule immense – que les Ivoiriens sont venus assister dimanche matin au défilé qui devait être le clou des fêtes de la proclamation d’indépendance de la Côte d’Ivoire.
A 09H20 GMT, une immense clameur a annoncé l’arrivée du chef de l’Etat, M. Houphouët-Boigny, qui, après avoir salué le drapeau et passé les troupes en revue, a pris place dans la tribune d’honneur où se trouvaient déjà les chefs d’Etat du Conseil, le Premier ministre de Mauritanie M. Moktar Ould Daddah et la délégation française conduite par MM. Jacquinot et Foyer.
Fête folklorique
C’est la musique de la Garde républicaine, vêtue de son nouvel uniforme, qui a ouvert le défilé, suivie d’une compagnie de parachutistes – préfiguration de la future armée ivoirienne. Venaient ensuite 2. 500 anciens combattants en uniforme kaki, les élèves des écoles, les délégations du PDCI-RDA venues de la brousse, les organisations de jeunesse, les chefs coutumiers, entourés de leur garde, brandissant arcs, flèches, sagaies et sabres, les athlètes ivoiriens ainsi que les associations sportives.
Six ou sept mille personnes étaient déjà passées lorsqu’une pluie fine interrompit le défilé vers 11H00 GMT. Le chef de l’Etat follement acclamé, reprit alors la route de sa résidence debout dans sa voiture qui fendait difficilement la foule.
A midi, un déjeuner a été offert par M. Houphouët-Boigny aux invités d’honneur et aux chefs des délégations étrangères. Une fête folklorique s’est déroulée l’après-midi au stade Géo André, enfin le soir une réception réunissant 5. 000 personnes a été donnée à l’Assemblée nationale.
Les cérémonies se sont terminées à 23H00 GMT par un feu d’artifice tiré sur la lagune Cocody. Mais tard dans la nuit la foule a dansé dans les faubourgs d’Abidjan, comme elle l’a fait déjà la veille en scandant joyeusement : « C’est la fête de l’indépendance ».
Source : Jeune Afrique