En Guinée-Bissau, pays en pleine crise post-électorale, le président de l’Assemblée nationale, Cipriano Cassama, investi président par intérim vendredi soir, a annoncé à la mi-journée de ce dimanche 1er mars qu’il renonçait à son poste.
Lors d’une brève déclaration depuis son domicile de Bissau surveillé par des soldats de l’Ecomib, la force de la Cédéao, et des militaires, Cipriano Cassama explique être « menacé ». Il affirme que samedi soir, des militaires sont venus chercher sa garde personnelle. Il met donc en avant des raisons de sécurité pour lui et sa famille.
Il dit aussi vouloir éviter une « confrontation, dans l’intérêt de la nation et de la population » et dénonce l’occupation de l’Assemblée nationale populaire par les forces armées.
Cipriano Cassama a été investi, vendredi soir, à l’Assemblée, par 52 députés, essentiellement du PAIGC. Avant sa déclaration, nous avons vu Teodora Gomes, membre du bureau politique du parti historique, lui demander de ne pas renoncer et de ne pas faire cette annonce, mais il a donc renoncé.
“Compte tenu des menaces de mort à ma personne, à mes gardes du corps, je ne suis pas en sécurité. J’ai décidé de prendre cette décision pour éviter la confrontation entre les forces de l’autre côté et les forces qui me gardent et aussi pour éviter une guerre, je ne sais si je peux l’appeler civile, un bain de sang.”
Nous sommes ainsi en présence d’un nouveau coup de théâtre dans cette crise post-électorale alors que le contentieux n’est toujours pas tranché entre les deux finalistes de la présidentielle, Umaro Sissoco Embalo et son rival, Domingos Simões Pereira.
Cipriano Cassama précise qu’il reste président du Parlement.
Aristides Gomes dénonce lui aussi des menacesu-guinéen Aristides Gomes, qui a été démis des ses fonctions vendredi par Umaro Sissoco Embalo, a également dénoncé dans une interview à RFI ce dimanche des menaces, notamment à son encontre. Il évoque« des informations qui font état de plans pour l’élimination physique de certains responsables », dont lui-même en tant que Premier ministre.
À la question « êtes-vous toujours le Premier ministre de Guinée-Bissau aujourd’hui ? »,
Aristides Gomes répond: « Si vous vous en tenez aux règles constitutionnelles. Mais quand on tient compte de l’occupation de la Cour suprême, du ministère de l’Intérieur, de la Primature, si vous vous engagez pur et simplement dans la voie de la violence telle qu’on le constate, je ne suis pas Premier ministre parce que je n’ai pas les moyens de l’exercer ».
“Oui je suis menacé. Pas plus [tard, ndlr] qu’aujourd’hui, il y a eu une irruption de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur qui sont venus – donc des paramilitaires et des militaires – qui sont venus récupérer soi-disant des véhicules de l’État. Donc, c’est un très mauvais signe. D’autant plus que les agissements de ce matin s’accompagnent par des informations qui font état de plans pour l’élimination physique de certains responsables, notamment de moi, en tant que Premier ministre…“
Aristides Gomes: « Les agissements de ce matin s’accompagnent par des informations qui font état de plans pour l’élimination physique de certains responsables»
Comment en est-on arrivé là ?
C’est après la cérémonie d’investiture organisée par Umaro Sissoco Embalo jeudi dernier dans un hôtel de Bissau que les choses se sont accélérées. Celui qui se présente comme « chef de l’État élu » s’est installé au palais présidentiel. Dans la foulée, il a annoncé le limogeage du premier ministre Aristide Gomes, et nommé son allié Nuno Gomes Nabiam, avec le soutien affiché des forces armées. Vendredi soir, les militaires ont pris le contrôle des principales institutions.
Dans le même temps, contre-attaque du camp adverse : les députés PAIGC ont déclaré la « vacance du pouvoir », et investi le président de l’Assemblée Cipriano Cassama comme président par intérim, comme le prévoit la Constitution. Le pays s’est donc retrouvé avec deux présidents et deux Premiers ministres. Jusqu’à ce que Cipriano Cassama jette l’éponge, craignant pour sa sécurité.
Après une présidentielle qui s’était déroulée dans le calme, la Guinée-Bissau se retrouve donc à nouveau dans une impasse, et chaque camp se dit « légitime ». La communauté internationale reste très discrète. Le gouvernement qui devait être formé par Nuno Gomes Nabiam n’a pas été annoncé. Ce lundi matin, les ministères devraient rester vides.
source : rfi