Le chef de l’Etat Faustin Archange Touadéra est crédité de 53,92 % des suffrages exprimés dès le premier tour.
Dix candidats de l’opposition ont demandé mardi 5 janvier l’annulation de la réélection du président Faustin Archange Touadéra dans un scrutin qu’ils jugent « discrédité », n’ayant permis qu’à un électeur sur deux de pouvoir voter dans ce pays où la guerre civile est ravivée par une nouvelle offensive rebelle.
L’Autorité nationale des élections (ANE) avait annoncé lundi que M. Touadéra avait recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dès le premier tour le 27 décembre, 53,92 %, mais la Cour constitutionnelle a jusqu’au 19 janvier pour valider ce résultat après les recours annoncés par l’opposition.
« Une mascarade »
Ils ont également dénoncé et listé « de nombreuses irrégularités » dans un processus électoral qui « n’a pas respecté les normes et standards internationaux universellement reconnus » et « ne saurait conférer la légitimité au président élu ».
Dans la capitale Bangui, l’ambiance était pourtant celle d’un mardi ordinaire, les uns se rendant au marché, les autres au travail, même si nombre de personnes interrogées se gardaient bien de laisser transparaître leurs préférences pour un camp ou l’autre, dans une ville quadrillée par les forces loyalistes et où rumeurs d’infiltration de rebelles vont bon train.
En ne comptant que 910 000 inscrits, l’ANE a « pris la responsabilité d’ignorer avec le plus grand mépris les 947 452 Centrafricains que la violence des groupes armés a empêché de voter », soit « 51 % du corps électoral », affirmait M. Dologuélé qui a, à l’instar des autres candidats de l’opposition, annoncé un recours contentieux. « Je ne donne aucun crédit à ces résultats, c’est une mascarade, une honte pour notre pays », a renchéri M. Ziguélé.
Les organisations internationales se félicitent
« Cette élection est un pas de géant en arrière par rapport à celle de 2016 », estime Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI). « Avec un taux de participation réel de 30 % », « une fraude par le recours à des dérogations et des missions d’observation électorale internationales parties avant l’annonce des résultats », ce scrutin est « tout sauf crédible », assène-t-il.
L’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), l’ONU et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), qui ont investi des millions de dollars dans l’organisation du scrutin, ont loué « la détermination des Centrafricains à exercer leur droit de vote, malgré les nombreux obstacles » dans une déclaration conjointe « prenant note des résultats provisoires ». La Russie, puissant soutien de M. Touadéra depuis plus de deux ans, s’est également réjouie de « la tenue réussie des élections ».
Ces élections se sont déroulées dans un pays où une guerre civile, initiée en 2013 et très meurtrière jusqu’en 2018 avant de baisser en intensité, a été ravivée depuis près de trois semaines par l’annonce d’une offensive rebelle pour empêcher le scrutin.
Paramilitaires russes et soldats d’élite rwandais
Le 19 décembre, une coalition des principaux groupes armés qui se partagent déjà deux tiers du pays avait ainsi juré de « prendre le contrôle de tout le territoire ». M. Touadéra avait immédiatement dénoncé une « tentative de coup d’Etat » sous les ordres de François Bozizé, le président renversé en 2013 et dont la candidature avait été invalidée par la Cour constitutionnelle. M. Bozizé est recherché et visé par une enquête judiciaire notamment pour « rébellions ».
Depuis l’annonce de l’offensive, les groupes armés n’ont quasiment pas gagné de terrain, selon la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) et le gouvernement. Ils font face au déploiement de l’armée, mais surtout au plus de 12 000 casques bleus et de centaines de renforts bien équipés, principalement des paramilitaires russes et soldats d’élite rwandais dépêchés rapidement par Moscou et Kigali.
Les groupes armés ont, ça et là, attaqué et pris – le plus souvent brièvement – des villes enclavées dans les territoires qu’ils occupent, mais essentiellement à des centaines de kilomètres de Bangui.
Source: Le Monde