Le positionnement des pays africains sur la guerre en Ukraine a évolué depuis 2022, reflétant des dynamiques diplomatiques en mutation. Entre rapprochements stratégiques et recomposition des alliances, certains Etats adoptent désormais des choix qui redéfinissent leurs relations internationales.
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, des pays qui se sont regroupés il y a un peu plus d’un an sous l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont affiché une position commune à l’ONU, lors du vote du lundi 24 février 2025, en rejetant une résolution exigeant une nouvelle fois le retrait immédiat des militaires russes d’Ukraine. Ce vote, peu médiatisé en Afrique, illustre une convergence diplomatique ponctuelle entre ces trois pays sur ce dossier.
Depuis le début du conflit en 2022, le Mali s’est toujours aligné du côté de la Russie lors des votes onusiens, tandis que le Burkina Faso et le Niger avaient adopté des positions plus nuancées, oscillant entre abstention et non-participation. Ce vote marque donc une première convergence des trois Etats sahéliens sur la question ukrainienne, un changement qui coïncide avec leur rapprochement progressif avec Moscou sur d’autres plans.
Plus globalement, les positions des gouvernements africains concernant le conflit ont beaucoup évolué. Le nombre de pays votant contre la Russie a reculé, et actuellement seuls des pôles économiques comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria ou encore l’Eypte ont condamné Moscou, lors du dernier vote. Pour le reste, en dehors des membres de l’AES et du Soudan, les autres se sont abstenus (Kenya, Sénégal et Afrique du Sud par exemple) ou n’ont pas du tout voté (Cameroun et Bénin).
Un vote qui coïncide avec le repositionnement des Etats-Unis sur l’Ukraine
Ce vote survient également dans un contexte de recomposition diplomatique à l’ONU, avec une inflexion de la position américaine sur le conflit. Alors que l’administration Biden s’était toujours rangée du côté de l’Ukraine, les Etats-Unis sous Donald Trump ont pour la première fois voté contre une résolution condamnant la Russie, aux côtés du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Toutefois, cet alignement de fait ne signifie pas que les motivations des deux parties sont les mêmes. L’administration Trump cherche avant tout à mettre fin rapidement au conflit ukrainien sans condamner Moscou, dans une logique pragmatique et économique. En revanche, pour les Etats de l’AES, ce vote s’inscrit dans un cadre plus large de rapprochement avec la Russie, marqué par une coopération renforcée et une détérioration des relations avec leurs anciens partenaires européens.
Comme rapporté récemment par Agence Ecofin, plusieurs accords de coopération sécuritaire ont été signés entre la Russie et les pays membres de l’AES pour l’envoi d’instructeurs et de matériel militaire afin d’aider les forces armées locales à enrayer la poussée des groupes djihadistes. Sur le plan économique, des accords sont signés, mais leur portée reste encore limitée. Parallèlement, leurs relations avec les partenaires historiques en Europe, comme la France, ont continué de se détériorer, comme en témoigne le cas du groupe français Orano au Niger.
L’alignement diplomatique de l’AES avec la Russie sur ce vote spécifique ne signifie pas nécessairement une position définitive ou univoque. Toutefois, il s’inscrit dans une tendance plus large de reconfiguration des alliances internationales. Reste à voir si cela se traduira par des bénéfices économiques et stratégiques concrets pour ces pays, ou s’il limitera leur capacité à attirer des investissements et financements extérieurs.