L’Organisation des Nations Unies a averti d’une crise humanitaire et des droits de l’homme à Goma, principale ville dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), en proie à une offensive des rebelles du mouvement du 23 mars – Alliance Fleuve Congo, dit M23/AFC.
L’ONU s’exprimait dans un article axé sur la situation humanitaire dans la région, rendu public le 28 janvier courant.
“Alors que les rebelles du M23 et l’armée rwandaise prennent progressivement possession de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), plusieurs hauts responsables de l’ONU ont tiré, mardi, la sonnette d’alarme face à la crise humanitaire et des droits de l’homme qui se profile dans la métropole, où les camps de la Mission de l’ONU font office de dernier refuge”, peut-on lire dans ce papier.
Prudente quant à la confirmation de la prise de la ville par les rebelles, l’ONU reconnaît que l’aéroport est déjà contrôlé par le M23 et que l’ordre public était en cours d’effondrement.
“À notre connaissance, les forces du M23 contrôlent l’aéroport et il existe un risque réel d’effondrement de l’ordre public dans la ville, compte tenu de la prolifération des armes”, a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors d’un point de presse à New York, rapporté dans le document.
La ville étant désormais isolée, “les civils sont confrontés à des risques graves, notamment en raison de l’utilisation d’armes explosives telles que des mortiers et de l’artillerie lourde dans des zones densément peuplées”, a pour sa part averti Volker Türk, chef des droits de l’homme de l’ONU.
Le responsable onusien a également averti des risques pour l’ordre public, suite à l’évasion de quelque 4 763 prisonniers de la prison de Muzenze, dans la foulée des événements.
Volker Türk a notamment souligné l’importance de garantir la sécurité des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres acteurs de la société civile à Goma.
– Refuge chez dans les camps de l’ONU
Concernant les populations, dont certaines se sont réfugiées dans les provinces voisines et d’autres ont traversé les frontières vers le Rwanda, l’ONU affirme qu’elle ne disposait pas de données exactes suite à la dégradation de la situation sécuritaire, toujours en cours.
Les bases de la mission onusienne en RDC (Monusco) ont accueilli un grand nombre de réfugiés, dont pas moins de 1200 soldats congolais qui se sont retranchés avec leurs équipements militaires dans le camp du bataillon uruguayen, alors qu’un millier supplémentaire n’a pu y accéder, indique l’ONU dans sa publication.
La Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l’ONU chargée de la protection et des opérations de la MONUSCO, Vivian van de Perre, a déclaré que les bases de la Monusco ne sont pas en mesure d’abriter “un tel nombre de personnes”…
Concernant le mouvement d’exode, Shelley Thakral, porte-parole du Programme alimentaire mondial, a rappelé que les trois provinces de l’est de la RDC (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri) comptaient déjà plus de 5 millions de déplacés, avant la flambée des violences.
“Nous n’avons toujours pas de chiffres concernant ce nouvel exode”, a-t-elle reconnu, redoutant les risques d’une pénurie alimentaire doublée d’une flambée des prix.
“Leur résilience va être mise à l’épreuve encore davantage au cours des prochaines 24 heures”, a-t-elle alerté.
“Nous pensons que Goma est tombée”, a-t-elle regretté.
Pour rappel, le Mouvement du 23 Mars (M23) a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc), appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle. Pour la RDC, le M23 est un groupe “terroriste” et toute forme de négociation est catégoriquement rejetée.
Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.
Pour le Rwanda, le M23 représente une menace pour sa sécurité intérieure. Kigali accuse la RDC de collaborer avec des groupes armés, notamment les miliciens Wazalendo et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), considérés comme responsables du génocide rwandais. Ces alliances, selon Kigali, s’inscriraient dans une stratégie visant à renverser le gouvernement rwandais.