Gabon : un mois après le coup d’Etat, les militaires face à nombre de défis

Illustration : Drapeau Gabonais

Un mois après le coup d’État qui a renversé Ali Bongo Ondimba, dont la famille dirigeait le riche État d’Afrique centrale en pétrole depuis plus d’un demi-siècle, les habitants de Libreville partagent leur point de vue sur la situation politique et économique qui reste difficile. Ce coup d’État a eu lieu juste après que Bongo Ondimba ait été proclamé vainqueur d’un nouveau mandat.

Au Gabon, durant la nuit du 30 août 2023, l’armée a pris le contrôle du pays en mettant fin au régime d’Ali Bongo Ondimba, réélu il y a moins d’une heure. Cette intervention a été motivée par des accusations de corruption massive et de fraude électorale.

Un mois plus tard, le général et président de la transition Brice Oligui Nguema est toujours très admiré par la grande majorité de la population et de la classe politique, qui applaudissent les militaires pour les avoir “délivrées” d’une “dynastie Bongo” qui avait duré 55 ans.

Après le décès de son père, Omar Bongo Ondimba, qui avait gouverné le pays pendant plus de 41 ans, Ali Bongo a été élu en 2009 pour lui succéder.

Le pouvoir militaire en place doit faire face à des défis majeurs sur les plans politique, économique et social, malgré sa solide position. Il a promis de permettre aux civils de reprendre le pouvoir par le biais d’élections. Le pays est le troisième plus riche d’Afrique en termes de PIB par habitant grâce à ses réserves de pétrole, mais la majorité de la richesse est concentrée entre les mains d’une petite minorité. Environ un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 2 euros par jour.

Coup d’Etat ou “Coup de Liberté” ?

Ce n’était pas un “coup d’Etat” mais un “Coup de Liberté”, assènent le pouvoir et ses partisans à l’adresse de la communauté internationale. Perpétré sans verser un goutte de sang, pour “éviter la guerre civile”, selon le Mémorandum sur la Transition du nouveau pouvoir. Pour “libérer le peuple” d’un “régime liberticide et corrompu” et de “la domination d’une petite caste”.

Dès le surlendemain, la vie avait repris son cours normal.

L’ONU, les capitales occidentales, l’Union africaine (UA) et les organisations régionales ont bien “condamné” un “coup d’Etat” mais mollement, et sans sanctions économiques à ce jour. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, résumait le sentiment général: le putsch faisait suite à un “coup d’Etat institutionnel” avec des “élections volées”.

Une transition militaire pour combien de temps ?

Dès le premier jour, le général Oligui a mené, et mène encore un mois après à un rythme effréné, d’intenses consultations avec toutes les catégories de la population.

Il installe des institutions chargées de gérer le pays en attendant une nouvelle Constitution, “plus respectueuse des droits humains”, et soumise à référendum, avant des “élections libres et transparentes”.

Et il intègre au processus “toutes les forces vives de la Nation”. Le Premier ministre civil, Raymond Ndong Sima, qu’il a nommé le 7 septembre, est un ténor de l’ex-opposition, et son gouvernement comprend des personnalités politiques et de la société civile farouchement hostiles au camp Bongo. Mais aussi d’anciens caciques de son régime, ce qui a fait grincer des dents mais est finalement passé.

Début octobre, un “appel à contribution” sera ouvert à toute la population pour “proposer des solutions”, avant une grande conférence nationale qui en fera la synthèse, “espérée”, selon le Premier ministre, entre avril et juin 2024. C’est elle qui décidera de la durée de la transition.

Social: des promesses et déjà l’impatience ?

Le président Oligui a multiplié les promesses en faveur “des plus pauvres”, des retraités et des malades qui ne touchent pas leur dû, des jeunes dont un sur trois est au chômage selon l’ONU.

Mais elles ont créé un appel d’air dans lequel se sont engouffrés fonctionnaires et salariés de nombreux secteurs qui multiplient grèves et blocages pour réclamer leur dû au plus vite. M. Ndong Sima n’a pu que les exhorter “à la patience” jeudi.

Quid des Bongo et des “corrompus” ?

Le matin du coup d’Etat, Ali Bongo a été placé en résidence surveillée mais déclaré libre de ses mouvements une semaine après. Il entend rester au Gabon pour l’heure, assure le nouveau pouvoir, qui l’estimait “manipulé” notamment par son épouse Sylvia et leur fils Noureddin depuis un grave AVC (accident vasculaire cérébral) en 2018.

La nuit du putsch, Noureddin Bongo Valentin et plusieurs jeunes hauts responsables du cabinet présidentiel proches de lui et de sa mère ont été arrêtés et montrés au pied d’innombrables malles, valises et sacs débordant de billets de banque pour des centaines de millions d’euros saisis à leurs domiciles.

Dix, dont Noureddin Bongo, ont été inculpés et six incarcérés avec lui notamment pour “corruption, détournements de fonds publics, blanchiment de capitaux, falsification de la signature du président de la République”. Deux anciens ministres (Pétrole et Travaux publics) ont également été écroués.

Sylvia Bongo Valentin, franco-gabonaise, en résidence surveillée, a été inculpée jeudi de “blanchiment de capitaux” et “faux et usage de faux”.

“La Première dame et Noureddin ont gaspillé le pouvoir d’Ali Bongo”, assénait le 18 septembre le général Oligui. “Depuis son AVC, ils ont falsifié la signature du président, ils donnaient des ordres à sa place” en plus “de la corruption”“Qui dirigeait le pays” alors ?, se demandait le nouvel homme fort.