L’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, s’est dit vivement préoccupé par ce qu’il qualifie de « rétrécissement comme peau de chagrin de l’espace civique, de la liberté d’expression, de presse et d’association et le développement de l’autocensure ».
Tine s’exprimait vendredi, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il a affirmé qu’« en plus de l’impact dévastateur de la crise malienne sur les populations civiles, l’espace civique et politique se rétrécit considérablement au Mali ».
A ce sujet, Alioune Tine s’est dit « inquiet » des « attaques et du lynchage médiatique » visant les défenseurs des droits humains indiquant avoir fait, lui-même, « l’objet d’attaques verbales sur les réseaux sociaux avant et pendant sa récente visite au mois de février 2023 ».
« Mon arrivée au Mali le 5 février a coïncidé avec la décision des autorités maliennes de déclarer le Directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, ndlr) « persona non grata », décision que je regrette », a déclaré Tine.
Pour appuyer ses propos, l’expert indépendant des Nations Unies, a évoqué sa mésaventure à l’aéroport de Bamako : « Pour la première fois, à notre arrivée à l’aéroport de Bamako, mon assistant et moi avons fait l’objet d’une interpellation et d’un interrogatoire coordonnés de la part d’officiers de police ». A la suite de cet incident, il a indiqué avoir « protesté auprès des autorités maliennes qui ont présenté leurs regrets ».
**Autocensure des sujets tabous
Tine a indiqué, en outre, que lors de ses deux visites au Mali, des défenseurs des droits humains, journalistes, autres professionnels des médias avec lesquels il s’est entretenu, ont évoqué des sujets tabous qu’ils n’osent plus traiter par peur de représailles des autorités maliennes de la transition ou de leurs sympathisants.
« Parmi ces sujets tabous figurent notamment les allégations des violations ou atteintes aux droits humains attribuées aux Forces de défense et de sécurité maliennes et aux membres du personnel militaire et de sécurité russe (que plusieurs acteurs avec lesquels je me suis entretenu au Mali désignaient par le nom de « Wagner ») », a avancé la même source.
Tine a ajouté que plusieurs défenseurs des droits humains lui ont signifié que l’Etat malien chercherait à « asphyxier » ou « saboter » le travail des défenseurs des humains qu’il considère comme des « apatrides », ou encore des « ennemis de la nation » qui serviraient d’alliés aux grandes puissances étrangères hostiles aux autorités de Bamako.
« Ce rétrécissement de l’espace est extrêmement préoccupant au moment où le pays s’engage dans un processus électoral et où le débat d’idées sur les programmes et les politiques doit être encouragé », a mis en garde l’expert indépendant onusien.
**Maintenir et renforcer les liens avec Bamako
Tine s’est également dit préoccupé par l’impact dévastateur que la crise et le conflit continuent d’avoir sur les populations civiles. Selon la Minusma, le nombre de civils tués est passé de 584 en 2021 à 1 277 en 2022, soit une hausse de 118%.
La récurrence des cas de violence basée sur le genre (VGB) est également très inquiétante. Le rapport du Système de gestion d’information sur les VBG (GBVIMS) pour l’année 2022 indique que le nombre des cas de VBG rapportés au Mali est passé de 9 540 cas en 2021 à 14 264 cas en 2022, soit une augmentation de près de 50%, a-t-il ajouté.
Face à cette situation, « Il faut éviter que le basculement géopolitique que nous connaissons à l’heure actuelle puisse avoir un impact négatif sur la coopération entre le Mali et la communauté internationale », a-t-il préconisé, exhortant la communauté internationale à maintenir et à renforcer les liens avec Bamako.
Anadolu Agency