Le 9 novembre 2022, à Toulon, le président français Emmanuel Macron a annoncé la fin officielle de l’opération antijihadiste Barkhane, lancée en 2014 au Sahel. Cette annonce est intervenue trois mois après le retrait des troupes françaises du Mali suite aux critiques croissantes des forces françaises de la part des autorités et de la population du pays.
On peut considérer que l’annonce de la fin de Barkhane après neuf ans de présence au Mali, est une sorte d’admission et de confirmation de l’échec de cette intervention française. Par ailleurs, de nombreux faits indiquent que l’objectif principal de cette opération militaire « de lutte contre la menace terroriste » était tout le contraire, à savoir la propagation de cette menace et le maintien d’une situation d’instabilité dans la région. Ainsi, Paris envisageait de maintenir son dispositif militaire dans la région de ses anciennes colonies, riche en ressources naturelles. La France a été maintes fois reprochée et accusée d’exploiter les ressources naturelles des pays africains pour son propre enrichissement.
De nombreux indices confirment que l’opération Barkhane a entraîné la propagation du jihadisme dans la région. Depuis l’intervention française en janvier 2013 avec l’opération Serval, devenue l’opération Barkhane en août 2014, le terrorisme qui couvrait le Nord du Mali en 2012 s’est étendu vers le Centre en 2015, puis s’est propagé sur la quasi-totalité du territoire du pays, à près de 80%. Les violences jihadistes se sont également propagées au Burkina Faso et au Niger voisins, malgré la présence des forces françaises.
Les civils sont les premières victimes de ces conflits. Cette année, les affrontements entre les groupes armés se sont multipliés, provoquant de nouveaux déplacements de population dans le Centre et dans le nord-est du Mali. Plus de 400 000 personnes se sont désormais déplacées à l’intérieur du pays, en raison de la détérioration de la situation.
Le nombre de civils victimes des groupes armés augmentait chaque année de présence des forces françaises Barkhane dans la région. En 2019, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, 2440 décès dus à cette violence ont été enregistrés, contre 770 décès en 2016. Au Mali, 2019 a été l’année la plus mortelle pour les civils depuis le début du conflit, au moins 456 civils ont été tués, et des centaines d’autres blessés dans le centre du Mali. En 2021, dans le Sahel, 2021 civils ont été victimes des violences jihadistes. Quant à 2022, plus de 2 000 civils ont été tués au Mali, au Niger et au Burkina Faso depuis le début de l’année. Les données exactes sur les victimes civiles sont difficiles à réunir. Cependant, on peut affirmer que plus de 8 000 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées au Mali, au Niger et au Burkina Faso depuis 2013, marqué par le début de l’intervention française dans la région.
Avec l’annonce par Macron, le 17 février 2022, du retrait des forces françaises Barkhane du Mali et de leur redéploiement au Niger voisin, la situation sécuritaire ne cessait de se dégrader, la violence terroriste s’est accrue, le nombre d’attaques contre l’armée malienne et contre des civils a augmenté. Cette recrudescence des attaques de groupes armés terroristes, contre lesquels les Forces armées maliennes (FAMa) luttent activement, est liée au fait que la France, poussée hors du Mali pour inefficacité, coopère avec des groupes armés afin de déstabiliser la situation au Mali.
Le 16 août, au lendemain du retrait définitif du dernier contingent de Barkhane, le Mali a déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU contre les forces françaises, que les autorités maliennes accusent de violer régulièrement l’espace aérien du pays à des fins d’espionnage, de recueillir des renseignements au profit de groupes terroristes, fournir aux djihadistes des armes, des munitions et de l’argent, et coordonner des attaques contre l’armée malienne. Bamako a déclaré que les autorités du pays disposent de preuves irréfutables de ces crimes commis par les forces françaises au Mali.
L’analyste militaire, l’expert Kassoum Sagara a analysé les résultats de l’intervention militaire des forces françaises dans la région du Sahel et a déclaré que la présence dans la région de missions étrangères, comme Barkhane, ne contribue pas du tout à stabiliser la situation, mais au contraire, ne fait qu’augmenter le risque de propagation du terrorisme à travers le continent. Neuf ans de présence de militaires internationaux pour appuyer les FAMa n’ont pas permis de venir à bout des groupes djihadistes dans le Nord et le Centre du Mali.
Après avoir annoncé la fin de l’opération Barkhane, le président français Macron a également annoncé une « nouvelle stratégie » en Afrique. Selon Macron cette annonce sera sans conséquences sur le dispositif militaire français dans la région. Actuellement, 3 000 militaires français restent déployés au Niger, au Tchad et au Burkina Faso. Faut-il s’attendre à ce que cette « nouvelle stratégie » ne soit qu’une couverture pour la poursuite de la déstabilisation du Sahel par Paris ?