La présidente de la chambre basse du congrès américain Nancy Pelosi s’apprête à se rendre à Taïwan au mois d’août afin de témoigner le soutien américain à Taipei. De telles démarches ont, sans surprise, provoqué une réaction dure de Pékin. La Chine appelle Washington à renoncer à ce voyage.
“Pékin s’oppose résolument au voyage de la présidente de la chambre basse du congrès américain Nancy Pelosi. Si elle se rendait à Taïwan, cela enfreindrait le principe de la Chine unie et les termes de trois accords entre la Chine et les États-Unis”, a commenté le communiqué concernant la visite éventuelle de Mme Pelosi à Taïwan le porte-parole de la diplomatie chinoise Zhao Lijian. Et d’ajouter que dans le cas contraire “cela affecterait négativement les relations sino-américaines”.
Alors que la revue chinoise Global Times a écrit que Pékin “pourrait recourir à une réponse militaire et stratégique”, puisque cette visite signifierait une “violation de l’intégrité de la Chine et une provocation intentionnelle”.
Les autorités taïwanaises n’ont pas confirmé les informations concernant la visite éventuelle de la haute fonctionnaire américaine sur l’île. De son côté, le président américain Joe Biden a averti que, selon les militaires, “ce n’était pas une très bonne idée à l’heure actuelle”.
Plus tôt, le journal Financial Times a rapporté que Nancy Pelosi comptait se rendre à Taipei “afin de témoigner son soutien à l’île, car elle est confrontée à une pression croissante de Pékin”. Il s’agirait de la première visite sur l’île en 25 ans par un président de la chambre des représentants du congrès américain.
Ces derniers temps, les pays occidentaux ont intensifié leurs contacts avec Taipei. Ainsi, l’île a été visitée par une délégation américaine non gouvernementale menée par l’ancien secrétaire à la Défense Mark Esper. Ainsi que par le vice-président du Parlement européen Nicola Beer. Par ailleurs, le président du parlement taïwanais You Si-kun s’est rendu en République tchèque à l’invitation du président de la chambre haute du parlement Milos Vystrcil.
De telles démarches suscitent forcément l’irritation de la Chine. Pékin a exigé de Washington non seulement d’annuler le voyage de Mme Pelosi, mais également de renoncer au projet de vendre des armes à Taipei. Le ministère chinois de la Défense a noté que les États-Unis infligeaient un “grave préjudice à la souveraineté de la Chine et détruisaient les relations bilatérales dans le domaine militaire”.
La revue britannique The Telegraph pour sa part a averti que la confrontation entre l’Occident et la Chine autour de Taïwan pourrait provoquer un préjudice encore plus grand qu’à cause de la situation en Ukraine.
Le président chinois Xi Jinping appelait plusieurs fois à régler les problèmes politiques. Notamment à utiliser la méthode d’interaction de Pékin avec Hong Kong: “un pays, deux systèmes”, impliquant un pouvoir formel de Pékin sur l’île en conservant le système politique actuel à Taïwan.
Les relations entre la partie continentale de la Chine et l’île auraient pu se dérouler différemment si les États-Unis ne s’étaient pas ingérés dans le conflit. Les relations entre Pékin et Washington depuis 1979 se construisaient sur la reconnaissance de la Chine unie et indivisible par les États-Unis.
Toutefois, cette position n’a pas du tout empêché Washington d’aider Taipei, d’entretenir les contacts, de lui fournir des armes et de garantir tacitement la protection aux Taïwanais.
Il semblait que toutes les parties au conflit étaient conscientes des lignes rouges. Donald Trump a été le premier à enfreindre les règles du jeu en 2015, après l’annonce de sa victoire à la présidentielle. Pour la première fois depuis Jimmy Carter, un président américain a décroché à un appel de Taïwan, puis le président élu a annoncé sur Twitter avoir reçu un appel de la “présidente de Taïwan” Tsai Ing-wen.
Après cela, Washington a commencé à irriter constamment Pékin par des visites de politiques et hauts fonctionnaires américains sur l’île, à soutenir plus activement les autorités taïwanaises, alors que des navires de guerre américains ont commencé à entrer régulièrement dans le détroit de Taïwan.
Dans ce contexte, Pékin menace de plus en plus souvent Taïwan par une invasion militaire en organisant des manœuvres pour capturer l’île, modernisant ses bases militaires, sachant que l’aviation chinoise pénètre régulièrement dans l’espace aérien taïwanais. En riposte, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont créé l’alliance Aukus, dont l’un des objectifs consiste à défendre Taïwan et à faire face à la menace chinoise dans la région Asie-Pacifique.
Pour le moment, le voyage de la présidente de la chambre basse du congrès américain à Taïwan n’a pas été confirmé officiellement, que ce soit par la Maison Blanche, Taipei ou Nancy Pelosi elle-même. Toutefois, les autorités chinoises ont déjà perçu l’éventuelle visite de Mme Pelosi comme l’une des pires provocations et une erreur historique de Washington. Nous assisterons prochainement à un durcissement de la rhétorique et aux tentatives de Pékin d’empêcher cette visite. Reste à savoir comment Pékin réagirait si ce voyage avait effectivement lieu.
Alexandre Lemoine-observateur continental