L’organisation du G5 Sahel, moribonde après le départ du Mali et cinq années d’opérations au bilan très critiqué, cherche un second souffle pour faire face à l’expansion inédite du djihadisme dans la région, disent membres et experts.
D’une ambitieuse idée, louée par tous, en 2017, de créer une force militaire conjointe des cinq pays du Sahel qui allait de pair avec des projets de développement, le G5 Sahel est désormais qualifié d’“échec” par le ministre des Affaires étrangères du Niger, Hassoumi Massoudou.
Cette force, largement financée par l’Union européenne et dont la planification et la coordination des opérations étaient assurées par la France, représentait aux yeux des partenaires internationaux du Sahel une porte de sortie dans une région en proie à des violences djihadistes.
Situation sécuritaire
Huit bataillons, environ 5 000 hommes basés dans leur pays à l’exception d’un bataillon tchadien déployé au Niger, devaient opérer ensemble dans les zones frontalières entre Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie.
Cinq ans plus tard, les maigres résultats et les opérations peu nombreuses vont de pair avec une dégradation continue de la situation sécuritaire au Sahel.
Deux évènements ont accéléré la décrépitude du G5 : le départ, d’abord, des 1 200 soldats tchadiens installés à Téra au Niger, pourtant jugés efficaces dans la lutte anti-djihadiste. Ils sont repartis en avril en catimini vers N’Djamena, a appris l’AFP auprès de membres de l’organisation et de source militaire française.
En mai, ensuite, le Mali a annoncé quitter l’organisation. Installés à Bamako dans un QG flambant neuf, les commandants de la force n’ont eu d’autre choix que de plier bagages, vers N’Djamena également. “Ils sont partis du jour au lendemain, laissant tout derrière, même les voitures”, dit une source au sein du G5.
Mort cerebrale
“Le G5 est mort”, résumait il y a quelques mois le président nigérien Mohamed Bazoum. Depuis rien n’a changé dans les faits, mais tout dans le discours.
Les présidents Mahamat Idriss Déby du Tchad et Mohamed Bazoum du Niger ont martelé le 13 juillet vouloir garder le G5 en vie. “Nous n’avons pas encore considéré que c’est terminé pour le G5 Sahel, nous allons nous battre”, a dit Mohamed Bazoum. “Restons optimistes”, a complété Mahamat Idriss Déby.
Ils ont annoncé une réunion “bientôt” entre les quatre membres restants pour “faire en sorte que le G5 soit viable”. La tâche parait immense tant les causes de l’échec sont nombreuses, disent deux fonctionnaires de l’organisation citant pêle-mêle le sous-financement chronique, une volonté politique disparate selon les pays membres et la situation politique régionale.
Ingérence française
Deux coups d’État ont secoué le Mali en deux ans, un au Burkina Faso, et un au Tchad. La transmission de la présidence du G5 du Tchad au Mali en 2021 ne s’est pas faite. Bamako y a vu une ingérence française – Paris étant réputé proche de N’Djamena – et a fustigé “l’instrumentalisation” de l’organisation avant de claquer la porte.
“On aurait du mal à ne pas voir la main française derrière ce refus de passer la présidence”, pense le chercheur malien Boubacar Haidara. Le G5 Sahel “est depuis le début perçu comme téléguidé par Paris”, ajoute Ornella Moderan, de l’Institut d’études de sécurité (ISS), mais a selon elle surtout “souffert d’un portage politique variable d’un État membre à l’autre”.
Depuis la création du G5, “il n’y a pas eu d’opérations communes entre le Burkina et le Mali, encore moins entre le Niger et le Mali”, a critiqué lors d’une récente conférence de presse le ministre Massoudou.
Outil nécessaire
A Ouagadougou, on s’interroge “sur la survie du G5”, selon une source proche des autorités, mais pas de départ en vue. Les soldats burkinabè du G5 continuaient ces derniers mois, avec les Nigériens, à opérer ensemble.
Face aux djihadistes, notamment les fantassins du groupe affilié à l’État islamique installés dans la zone poreuse des trois frontières, “il n’y a pas d’autre options que de travailler ensemble”, dit un membre de l’organisation. “Le G5-Sahel peut-il s’en sortir ? Je ne peux pas le dire, mais dans tous les cas, par sa conception, il demeure un outil nécessaire”, pense Mahamat Saleh Annadif, haut responsable de l’ONU.
Mais comment faire subsister une force conjointe sans le Mali, pivot et épicentre du conflit ? “Être membre du G5 apporte de l’argent et un appui logistique des partenaires, les États le savent !”, dit un diplomate africain à Bamako, rappelant que l’ONU fournit aux contingents du G5 carburant et nourriture. Et que les soldats, avec ou sans écusson G5, seront toujours sur le terrain.
Pour le ministre Massoudou, la suite du G5-Sahel se joue à Bamako : “lorsque le Mali aura des autorités démocratiquement élues qui normaliseront les relations avec ses voisins, nous pourrions redonner vie à cette organisation”.
Les autorités maliennes, qui ont récemment poussé vers le départ l’opération française Barkhane et le groupe de forces spéciales européennes Takuba, répètent vouloir désormais privilégier les relations bilatérales.
Africa News