Des milliers de Soudanais ont manifesté ce dimanche après-midi contre le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhan. À Khartoum, les cortèges qui se dirigeaient vers le palais présidentiel ont été refoulés par des tirs de grenades lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre. Cette manifestation spontanée s’est tenue au moment où l’émissaire de l’ONU pour les droits humains entame sa première visite depuis le putsch du 25 octobre.
Le Sénégalais Adama Dieng est censé rencontrer divers responsables ainsi que des acteurs de la société civile pour tenter de faire la lumière sur la répression des manifestations qui a déjà fait 81 morts en à peine quatre mois et les vagues d’arrestations ininterrompues de militants ou de politiciens. Ce dimanche après-midi, les défilés ont encore été réprimé dans la violence. Les médecins ont recensé plusieurs dizaines de blessés et un mort.
Notre correspondant à Khartoum Eliott Brachet a suivi les groupes de révolutionnaires qui défient les forces de l’ordre en première ligne des manifestations, des cailloux contre des balles réelles. On les surnomme les « Ghadiboon », les « énervés ». La plupart ont moins de 25 ans, certains sont mineurs. Amani, une étudiante, porte des lunettes de protection, un foulard vert lui couvre la bouche, et sur ses épaules : un drapeau soudanais ensanglanté.
« Dans la rue, chacun a sa manière de manifester. Il y a ceux qui restent derrière, qui protègent notre dos. Et il y a nous qui sommes en première ligne, se confrontant aux militaires. Au fond de nous, il y a de la haine et de la colère. Combien d’entre nous ont vu mourir nos frères à côté de nous ? Nous n’avons plus peur. Ce sont eux, armés de kalachnikovs, qui ont peur. Ils ne sont pas dans la rue pour une cause, mais pour nous réprimer. Nous, nous défendons une cause, on veut construire une nation. »
Cachés derrière des boucliers de fortune, relançant les grenades lacrymogènes qui pleuvent sur les cortèges, ces manifestants tiennent à distance les forces de l’ordre. Aujourd’hui, pendant quelques heures, elles ont dû reculer face au nombre avant de contrattaquer dans un nuage irrespirable.
« Nous sommes lancés dans une guerre d’épuisement. Le gouvernement n’a plus d’argent. Les caisses sont vides. Alors on organise des manifestations toutes les semaines. Jusqu’à ce jour, combien de milliers de dollars ont-ils déjà dépensé pour payer les grenades lacrymogènes ? Leurs voitures ? Elles ont besoin d’essence. Les soldats ? Ils doivent leur payer un salaire. Ça fait plus de trois mois que nous luttons, on peut tenir encore, c’est un combat de longue haleine. »
Ces groupes de manifestants prêts à tout sont la cible principale des autorités et des services de renseignement. Dans les cortèges, ils sont souvent visés à balle réelle. Nombre d’entre eux croupissent en prison
Source: Rfi