Le survol de l’Algérie par des avions militaires français a été interdit ce dimanche 3 octobre par les autorités algériennes. Cette décision intervient dans un contexte de tensions croissantes entre Alger et Paris. Après la restriction sur les visas français aux Algériens, c’est une sortie du président français qui irrite particulièrement l’Algérie.
L’Algérie a fermé son espace aérien aux avions militaires français qui l’empruntent d’habitude pour rejoindre ou quitter la région du Sahel où sont déployées les troupes de l’opération Barkhane, a indiqué dimanche un porte-parole de l’état-major français.
L’armée française n’a reçu aucune notification officielle. « Ce (dimanche) matin, en déposant les plans de vol de deux avions (logistiques), nous avons appris que les Algériens fermaient le survol de son territoire aux avions militaires français », a déclaré à l’AFP le colonel Pascal Ianni, confirmant des informations du quotidien Le Figaro. Selon lui, toutefois, « cela n’affecte ni les opérations ni les missions de renseignement » menées par la France au Sahel.
L’État-major français n’a « pas d’inquiétude à ce stade ». « Les missions françaises de renseignement au Sahel, effectuées au moyen de drones, ne sont pas non plus affectées », souligne-t-il, ces drones opèrant à partir de Niamey, au Niger, et ne survolant pas l’Algérie.
« C’est d’abord une question diplomatique », conclut le porte-parole de l’état-major. Cette interdiction de survol tombe tout de même mal pour l’armée française alors qu’elle est en plein redéploiement de son dispositif Barkhane, en particulier dans le nord du Mali, frontalier de l’Algérie.
Aujourd’hui, en arrêtant cette permission de l’Algérie, non seulement elle signifie sa mauvaise humeur mais elle veut dire que finalement, elle est souveraine quant à l’usage de son espace aérien. Cette décision est coûteuse sur le plan sécuritaire, militaire et économique…
« Une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire »
L’Algérie avait déjà annoncé samedi le « rappel immédiat pour consultation » de son ambassadeur à Paris, en expliquant cette décision par son « rejet catégorique » des déclarations attribuées à Emmanuel Macron.
Selon un article du journal Le Monde, le président français, lors d’une rencontre avec des descendants de harkis et de rapatriés d’Algérie, aurait estimé qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire ».
Emmanuel Macron s’en est pris à une « histoire officielle » algérienne qui serait, selon lui, « totalement réécrite », et qui « repose(rait) sur une haine de la France ». Emmanuel Macron a appelé à une production éditoriale, en arabe et « plus offensive et portée par la France » pour contrer au Maghreb une « désinformation » et « propagande » qui serait portées par les Turcs.
Indignation dans la presse algérienne
Les médias algériens se sont largement indignés des déclarations prêtées à M. Macron en les qualifiant d’« acerbes ». El Watan titre en Une sur « Le dérapage d’Emmanuel Macron »
Le chef de l’État français « a choisi une rencontre avec des jeunes Franco-Algériens pour s’en prendre aux responsables algériens envers lesquels il a émis des critiques acerbes ». Une « sortie inhabituelle à ce niveau de responsabilité et inattendue du président français », juge le quotidien privé algérien, qui remarque qu’Emmanuel Macron est fort probable candidat à sa propre succession à l’Élysée. « La crise entre l’Algérie et la France a atteint visiblement le point du non-retour », ajoute-t-il.
De son côté 24h Algérie titre : « Macron au vitriol sur le “système algérien” ». « Le président français s’est aussi hasardé, juge le média francophone algérien, sur le terrain de la contestation de l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Même s’il s’inscrit clairement – tout comme les restrictions sur les visas – dans une campagne électorale largement entamée en France, ces propos du président français sont sans précédent et devraient provoquer des polémiques et probablement une forte crispation des relations entre Alger et Paris ».
Les récentes déclarations du président français sont perçues par Alger non seulement comme une provocation mais aussi comme un reniement de Paris concernant la réconciliation nationale, concernant la réconciliation des mémoires (…) je pense qu’après ces déclarations, tout est compromis.
Source: Rfi