En République centrafricaine, des casques bleus gabonais accusés d’abus sexuels retirés de la force de maintien de la paix de l’ONU

ALEXIS HUGUET / AFP Des casques bleus de la Minusca, à Bangui, le 25 décembre 2020.

Les accusations de crimes et délits sexuels contre les casques bleus sont récurrentes dans le pays, mais aucune condamnation n’a été prononcée à ce jour. Le ministère de la défense gabonais a annoncé ouvrir une enquête.

L’Organisation des Nations unies (ONU) a décidé le retrait de 450 casques bleus gabonais de sa Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca) après des accusations d’exploitation et d’abus sexuels, a annoncé mercredi 15 septembre le ministère de la défense gabonais. « Ces dernières semaines, des faits d’une particulière gravité, contraires à l’éthique militaire et à l’honneur des armées, commis par certains éléments des bataillons gabonais (…) ont été rapportés », a ainsi expliqué le ministère dans un communiqué.

« Suite aux nombreux cas d’allégations d’exploitation et d’abus sexuels en cours de traitement, les Nations unies ont décidé ce jour du retrait du contingent gabonais de la Minusca », et « une enquête a été ouverte par le Gabon », est-il également précisé dans le texte.

822 accusations contre le personnel de Minusca

La Minusca a été déployée par l’ONU en avril 2014 pour tenter de mettre fin à la sanglante guerre civile qui a suivi un coup d’Etat en 2013 contre le président François Bozizé. Des combats opposent depuis la coalition de groupes armés qui l’avait renversé, la Séléka – à majorité musulmane –, aux milices soutenues par le chef de l’Etat déchu, les anti-balaka – dominées par les chrétiens et les animistes. Alors qu’elle a culminé entre 2014 et 2015, la guerre civile a aujourd’hui considérablement baissé d’intensité. Mais la Minusca dispose toujours de quelque 15 000 personnels dans ce pays pauvre d’Afrique centrale, dont 14 000 en uniforme, avec pour mission prioritaire la protection des civils.

Si les faits « sont avérés, leurs auteurs seront traduits devant les tribunaux militaires et jugés avec une extrême rigueur », a promis le ministère gabonais. « Le Gabon a toujours exigé de son armée, sur son territoire et à l’extérieur, un comportement irréprochable et exemplaire », a-t-il ajouté. « Au-delà des faits rapportés et en attendant les conclusions de l’enquête, le bataillon gabonais est rappelé », a ainsi conclut le ministère.

Les accusations de crimes et délits sexuels contre les casques bleus sont récurrentes en République centrafricaine, certains contingents ont été retirés par le passé mais aucune enquête n’a abouti à des condamnations à ce jour, du moins publiquement. Depuis 2010, les Nations unies ont recencé 822 accusations d’exploitation et abus sexuels visant son personnel, dans le cadre d’opérations de maintien de la paix.

Rébellion contre le président Touadéra

En mars 2018, le Gabon avait annoncé sa décision de retirer son contingent de la Minusca, en raison d’« un retour progressif de la paix » en République centrafricaine, mais un haut responsable de l’ONU avait invoqué à l’époque « des problèmes d’équipement et d’abus sexuels ». Trois mois plus tard, sur la demande pressante du président centrafricain; Faustin Archange Touadéra, le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, avait finalement annoncé le maintien de ses troupes dans le pays.

Des groupes armés, issus ou non de l’ex-Séléka et des anti-balaka, occupaient encore ) la fin de 2020 plus des deux tiers de la République centrafricaine. Certains de ces groupes ont lancé en décembre une rébellion contre le pouvoir du président Touadéra à la veille de l’élection présidentielle. Ce dernier a finalement été réélu le 27 décembre et son armée, appuyée par des centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais, a aujourd’hui largement reconquis le territoire.

 Source: Le Monde