En 1989, un conflit intercommunautaire éclate dans la région frontalière entre le Sénégal et la Mauritanie. Environ 60.000 personnes avaient fui de la Mauritanie vers le Sénégal et le Mali, selon le HCR. En 2021, la majorité d’entre eux vivent toujours au Sénégal.
Apatrides, sans emplois ni revenus stables, sans domiciles fixes et souvent hébergés dans des maisons en délabrement ou en construction, les réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal vivent au jour le jour. À Guinaw Rails, dans la banlieue de Dakar, nous retrouvons quelques membres de cette communauté.
Maïri Ba vit avec sa famille et pour elle les conditions sont très précaires. “On survit difficilement au rythme de tracasseries quotidiennes pour nous les femmes. Nos maris courent de gauche à droite pour trouver de quoi nourrir notre progéniture mais ce n’est pas toujours évident car des fois nous n’avons rien à nous mettre sous la dent”, déclare-t-elle.
Maïri est également préoccupée par l’éducation des enfants, le logement et l’emploi qui sont aussi des problèmes.“On se fait souvent expulser de nos lieux d’habitation à cause du manque de revenus et nos enfants parviennent difficilement à étudier dans ces conditions. Nous sommes fatigués de cette situation”, dit-elle.
Son mari Mamadou Lamine Ba lui emboîte le pas. Pour lui, la situation de leurs enfants est le plus difficile à vivre.
“Nous sommes des êtres humains et nous méritons de vivre dans la dignité après 32 ans de calvaire. Nos enfants se battent à l’école et à l’université pour faire partie des meilleurs mais au final ils ne peuvent accéder à aucune profession faute de nationalité. Leurs demandes d’intégration ne sont pas prises en compte”, explique-t-il.
Pour prouver la véracité de ses propos, il prend l’exemple de son fils “né au Sénégal, il a grandi et a étudié ici mais il ne peut pas accéder au monde professionnel parce qu’il n’a pas de certificat de nationalité. Il est apatride, son père est apatride. Nous n’avons plus de mère patrie, nous n’avons rien”, se désole-t-il.
Face aux conditions de vie difficiles auxquelles ils font face au Sénégal, certains Mauritaniens avaient décidé de regagner leur pays d’origine à partir de mars 2008 sous l’égide de l’agence des Nations unies pour les réfugiés. Un retour pas totalement réussi si l’on se fie à Abdourahmane Sy de la Coordination des associations de réfugiés mauritaniens au Sénégal.
“Il y a eu environ 24.000 réfugiés qui sont retournés et depuis lors, la majorité n’ont aucune pièce d’identification, aucune reconnaissance“, soutient-il.
Abdourahmane indique que ceux qui y sont retournés n’ont “pas retrouvé leur terre, ni leur village puisqu’on t’amène à 1km de chez toi et on te dit que tu es là aujourd’hui. Tu n’as donc plus le droit de regagner ton village ou ta ville natale alors que tu avais tout perdu. Il y a juste eu 1600 qui ont retrouvé leur nationalité. Tout le reste sont devenus des apatrides dans leur propre pays”, dit-il.
Après plus de 30 ans de combats et malgré des résultats mitigés, ces familles réfugiées au Sénégal ne comptent pas baisser les bras.
Le 20 juin dernier, journée consacrée aux réfugiés, était une nouvelle fois l’occasion pour les Mauritaniens établis au Sénégal depuis 1989 contre leur gré de réclamer leur droit à une nationalité, de réclamer leur droit à un retour au bercail et le droit de leurs enfants à bénéficier de papiers qui leurs permettront d’étudier dans de bonnes conditions.
Source: Voa Afrique