Les partis islamistes en Algérie ont choisi de participer aux législatives du 12 juin afin, afin disent-ils, de “contribuer au changement”, et rêvent d’obtenir une majorité pour peser sur l’avenir politique du pays.
Légalistes, ces partis qui rejettent toute accointance avec l’ex-Front islamique du Salut (FIS, dissous) et le terrorisme islamiste de la guerre civile (1992-2002) affirment être “prêts à gouverner”.
Ils affichent même un certain optimisme à l’approche du scrutin, encouragés par la décision de l’opposition laïque et de gauche de ne pas y participer et par le discrédit des partis proches de l’ex-président déchu Abdelaziz Bouteflika.
Pour le politologue Mansour Kedidir, les islamistes “peuvent obtenir une majorité relative dans la future Assemblée”, mais “une telle majorité ne leur permettrait pas de dominer l’hémicycle”.
“Ils se réclament d’un islamisme modéré et ne constituent pas de danger pour la démocratie dans la mesure où le système présidentiel dispose de suffisamment de moyens constitutionnels pour les dissuader”, explique à l’AFP M. Kedidir.
Le chef de l’Etat peut en particulier légiférer par ordonnances.
Comme au Maroc (Parti justice et développement, PJD) et en Tunisie (Ennahdha), les mouvements islamistes légaux se présentent davantage sous les traits de “démocrates-musulmans” que de partisans de l’instauration d’un “Etat islamique”.
Du reste, le principal parti de cette mouvance, le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) d’Abderrazak Makri, proche des Frères musulmans, a participé sans interruption aux gouvernements algériens de 1996 à 2011.
Si aucune enquête d’opinion fiable n’existe, le chef du MSP prédit “une victoire écrasante” de ses candidats et “la majorité des 407 sièges du Parlement” et se déclare “apte à conduire le futur gouvernement”.
Dans un entretien à l’hebdomadaire français Le Point, le président Abdelmadjid Tebboune estime que “l’islamisme en tant qu’idéologie, celle qui a tenté de s’imposer au début des années 1990 dans notre pays, n’existera plus jamais en Algérie”.
“Maintenant, l’islam politique a-t-il bloqué le développement de pays comme la Turquie, la Tunisie, l’Egypte? Non”, répond-il.
“Cet islam politique-là ne me gêne pas parce qu’il n’est pas au-dessus des lois de la République, qui s’appliqueront à la lettre”, assure encore le chef de l’Etat.
De quoi encourager les espoirs de M. Makri et des autres dirigeants islamistes.
“Union nationale”
Unique candidat islamiste lors de la présidentielle de décembre 2019, Abdelkader Bengrina, président du parti El-Bina, était arrivé deuxième derrière Abdelmadjid Tebboune avec 17,37% des suffrages exprimés.
Aujourd’hui, à l’instar des autres formations islamistes, son discours de campagne porte moins sur la promotion de l’islamisme que sur sa volonté de promouvoir la Charte pour la paix et la réconciliation de 2005, “afin d’enterrer à jamais les haines et les douleurs du passé et panser définitivement les plaies et les blessures occasionnées par la ‘décennie noire’“, qui a vu les forces de sécurité affronter des groupes armés islamistes au prix de 200.000 morts.
M. Bengrina appelle à “oeuvrer ensemble, sans exclusion, à l’édification du pays”.
Conscient du recul politique de l’islamisme dans la société algérienne, même si la religiosité n’a jamais été aussi hégémonique, le courant islamiste légal joue la carte de l’apaisement et de “l’union nationale”.
Mais plusieurs inconnues subsistent, qui pourraient infirmer, sinon atténuer, le pronostic triomphaliste du président du MSP et de ses partenaires.
Il leur faudra d’abord convaincre l’électorat islamiste de voter pour une mouvance fragmentée en cinq partis rivaux.
Ils devront ensuite tenter d’attirer les voix des radicaux, pourchassés par le pouvoir et plus convaincus que jamais de l’échec de la voie électoraliste.
Enfin, à eux de rassembler sur leur image de sérieux et de modération les voix des nombreux mécontents.
“Étant donné que dans les pays du Maghreb, les islamistes sont présents dans les parlements et les gouvernements, il n’y a pas de raison d’appréhender leur victoire”, souligne M. Kedidir, selon qui “leur mentalité a beaucoup évolué”.
Et sur “la religion qu’ils instrumentalisent, l’opinion publique n’est plus réceptive à ce genre de discours”, dit-il.
Source: Voa Afrique