Au Nigeria, l’Etat islamique engagé dans une lutte à mort face à Boko Haram et son chef

Une capture d’écran d’une vidéo publiée par Boko Haram et obtenue par l’AFP montre Abubakar Shekau, le chef du groupe djihadiste, prononçant un discours en octobre 2014. AFP

Abubakar Shekau, leader du groupe Boko Haram, aurait tenté de se suicider pour ne pas être capturé par la filiale locale de l’EI. Les médias nigérians ont annoncé son décès.

Le chef de Boko Haram, le nigérian Abubakar Shekau, donné pour mort au moins à trois reprises par le passé, est-il cette fois réellement décédé comme l’annoncent de nombreux médias nigérians ? Le chef du groupe djihadiste Jamaat Ahl Al-Sunnah Lil Dawa Wal Jihad (JAS), connu à l’extérieur sous le nom de Boko Haram, aurait tenté de se suicider pour échapper à sa capture, non pas lors d’une opération des forces nigérianes, mais d’un assaut mené par ses rivaux du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).

Ces derniers sont en train de prendre le contrôle de la forêt de Sambisa, le bastion de la faction de Boko Haram dirigée par Shekau, dans l’Etat de Borno, au nord-est du Nigeria. Mercredi 19 mai, au moins cinquante véhicules armés d’Iswap auraient pénétré dans ce vaste espace boisé où le groupe de Shekau a établi son quartier général depuis de nombreuses années, finissant par acculer le chef djihadiste au suicide pour éviter d’être tué ou capturé.

Selon des sources sécuritaires citées par l’AFP, celui qui a pris les rênes de Boko Haram en 2009 et transformé le groupe salafiste fondé par le prédicateur Mohamed Yusuf (tué cette année-là) en organisation djihadiste, serait encore en vie, mais dans un état grave, après s’être tiré une balle dans la poitrine ou avoir activé sa ceinture explosive. Aucune confirmation de sa mort, annoncée par des médias locaux, n’avait été apportée vendredi 21 mai par les autorités nigérianes, ni par les assaillants.

Ces affrontements constituent la conclusion, dans la violence, d’une longue série de tensions entre deux groupes djihadistes issus du même noyau, Boko Haram, un temps sous les ordres d’Abubakar Shekau. Après avoir échoué à créer son propre « émirat » en 2014, le chef de Boko Haram avait fait allégeance à l’Etat islamique (EI) en 2015, mais en raison de divergences profondes, s’était vu défaire l’année suivante du commandement de ce qui avait été baptisé wilayat (province) Afrique de l’Ouest (Iswap).

Pratiques brutales

Furieux, Shekau avait alors ravivé la faction « historique » de Boko Haram, le JAS, et deux zones d’influence s’étaient dessinées. D’un côté, Iswap avait étendu son aire de contrôle sur la région du lac Tchad, privilégiant l’attaque de positions militaires plutôt que de civils. Une rupture avec les pratiques brutales de ­Shekau lequel, de son côté, poursuivait son combat depuis la forêt de Sambisa.

Malgré cette scission, rappelle Vincent Foucher, chercheur au CNRS, « il n’y avait jamais eu jusque-là une posture vraiment offensive de la part de l’Iswap contre lui ». Une politique fondée sur des directives de l’EI, destinées à ne pas laisser se développer un conflit inter-djihadistes. Pourtant cette fois, note le chercheur, l’Iswap a frappé « au cœur du pouvoir de Shekau, avec peut-être une volonté réelle de le tuer ou de le pousser à se tuer ».

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  source: Le Monde