l’armée sort les muscles, au moins quatorze morts

Au moins quatorze manifestants ont été tués samedi dans la répression de nouvelles manifestations pro-démocratie en Birmanie, où l’armée s’est livrée à une démonstration de force, faisant défiler un impressionnant arsenal dans la capitale Naypyidaw.

La Birmanie est traversée par une grave crise depuis que la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi a été évincée du pouvoir par un coup d’Etat militaire le 1er février.

Les militants pro-démocratie avaient appelé à une nouvelle série de manifestations samedi, jour où l’armée organise tous les ans un gigantesque défilé militaire devant le chef de l’armée désormais chef de la junte au pouvoir, le général Min Aung Hlaing.

Aux premières heures du jour, des milliers de soldats, des chars, des missiles et des hélicoptères se sont succédé sur une immense esplanade où était réuni un parterre de généraux et leurs invités, parmi lesquels des délégations russe et chinoise.

Le général Min Aung Hlaing a de nouveau défendu l’organisation du coup d’Etat en raison de la fraude électorale présumée lors des élections de novembre, remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi, et a juré qu’un « transfert de responsabilité de l’État » se produirait après des élections.

« Le Tatmadaw (l’armée birmane, ndlr) recherche l’engagement de toute la nation », a-t-il déclaré dans un discours, ajoutant que les actes de « terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l’Etat » sont inacceptables.

Avant l’aube, les forces de sécurité avaient déjà réprimé les manifestants dans plusieurs villes du pays.

A Rangoun, la capitale économique, des panaches de fumée se sont élevés au-dessus de la ville, devenue un point chaud ces dernières semaines.

Un rassemblement nocturne devant un poste de police dans le sud de la ville – où des manifestants ont appelé à la libération de leurs amis – est devenu violent vers minuit et les tirs ne se sont arrêtés que vers 4 heures du matin, a déclaré une habitante.

Au moins cinq manifestants sont morts, dont un jeune homme de 20 ans.

« Nous allons à ses funérailles aujourd’hui », a-t-elle déclaré à l’AFP.

« Les conditions sur le terrain sont très effrayantes pour le moment. »

– « Je suis fier de mon fils » –

Près de la prison d’Insein, un rassemblement avant l’aube – où les manifestants portaient des casques de vélo et étaient protégés par des barricades de sacs de sable – a sombré dans le chaos lorsque les soldats ont commencé à tirer.

Au moins un d’entre eux a été tué – un policier de 21 ans, Chit Lin Thu, qui avait rejoint le mouvement anti-coup d’État.

« Il a reçu une balle dans la tête et il est mort chez lui », a déclaré à l’AFP son père Joseph.

« Je suis extrêmement triste pour lui, mais en même temps, je suis fier de mon fils ».

A Wundwin, dans la région de Mandalay (centre), un médecin a confirmé la mort de deux manifestants, tandis que la police et les soldats ont ouvert le feu sur un rassemblement d’étudiants à Lashio, dans l’Etat de Shan (nord-est).

« Les gens n’avaient pas commencé à manifester, aucun slogan n’avait été prononcé. L’armée et la police sont arrivées et leur on tiré dessus à balles réelles sans lancer aucun avertissement », a raconté à l’AFP Mai Kaung Saing, un journaliste local.

Un sauveteur a confirmé qu’au moins trois manifestants étaient morts – corroborant les informations des médias locaux – mais son équipe n’a pas été en mesure de retirer les corps.

A Meiktila (centre), deux manifestants ont trouvé la mort, « un homme de 35 ans et une fille de 14 ans », a déclaré à l’AFP Thura Lwin OO, un secouriste.

Enfin à Nyaung-U près de Bagan, célèbre site classé à l’UNESCO, un guide touristique a été tué par balles alors qu’il participait à une manifestation.

– « Ne mourez pas en vain » –

Le Comité représentant Pyidaungsu Hluttaw (CRPH), un groupe de parlementaires évincés travaillant dans la clandestinité contre la junte, a condamné la démonstration de puissance après sept semaines sanglantes.

« Nous ne devons pas laisser ces généraux permettre des célébrations après avoir tué nos frères et sœurs », a déclaré son envoyé spécial aux Nations Unies, surnommé le Dr Sasa.

S’exprimant lors d’un live Facebook qui a été suivi par la diaspora birmane dans le monde entier, son discours a suscité plus de 20.000 réactions.

« Ils sont l’ennemi de la démocratie ». Nous ne nous rendrons jamais (…) tant que la liberté ne sera pas acquise à notre peuple » a déclaré Sasa.

Vendredi soir, la télévision d’Etat avait diffusé un message appelant les jeunes à cesser de participer à un « mouvement violent ». « Apprenez la leçon de ceux qui sont morts après avoir été touchés à la tête et dans le dos… ne mourez pas en vain », disait-il.

Selon un groupe de défense de prisonniers politiques, 320 personnes ont trouvé la mort dans les troubles depuis le putsch, et plus de 3.000 ont été arrêtées.

La brutalité de la répression a entraîné sur la scène internationale une série de condamnations et de sanctions touchant les avoirs de nombreux militaires puissants, dont leur chef, mais la pression diplomatique a eu jusqu’ici peu d’impact.

 Source: La Minute Info