Une mobilisation en demi-teinte pour les législatives en Côte-d’Ivoire

© ISSOUF SANOGO/AFP La mobilisation pour les élections législatives du 6 mars n'a que légèrement augmenté par rapport aux précédentes législatives en Côte d'Ivoire.

54 % pour le RHDP, 36 % pour l’opposition, 10 % pour les Indépendants. Voici la répartition de sièges à l’Assemblée nationale tels qu’ils ressortent de la proclamation des résultats provisoires par la CEI. Provisoires, car les candidats ou partis ont 5 jours pour déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Quels enseignements peut-on tirer de ces élections législatives ?

Concernant la participation, un peu moins de 38 %, c’est un taux habituel pour ce type d’élections intermédiaires en Côte d’Ivoire. En 2016, les législatives avait attiré 34 % des inscrits. Pour autant, ces législatives 2021, étaient singulières, car véritablement inclusives pour la première fois depuis longtemps.

Un appel massif à la mobilisation non suivi

Les trois grands ne s’étaient pas retrouvés dans une compétition électorale depuis la présidentielle de 2010. Et les dernières législatives à avoir connu cette configuration remontent à 1995 ! Donc beaucoup s’attendaient à un engouement des électeurs, d’autant plus que tous les états-majors avaient appelé leurs électeurs à se mobiliser massivement. Sans succès donc. Pourtant en 2020, 900 000 nouveaux électeurs étaient allés s’inscrire sur les listes électorales, un record. Mais ça n’a pas boosté la participation cette fois-ci.

Acteurs et commentateurs politiques avancent plusieurs éléments d’explication non exhaustifs… La peur de nouvelles violences après le climat qui a prévalu entre août et novembre 2020 autour de la présidentielle aura pu dissuader les électeurs de venir. Des électeurs dont certains auront eu du mal à suivre ou à comprendre les changements de stratégie d’une opposition qui, après avoir appelé au boycott de la présidentielle, appelle à voter massivement aux législatives.

On entend aussi beaucoup d’électeurs lassés de voir les mêmes leaders depuis 25 ans, ou de voir la politique réduite, que ce soit au niveau national ou local, à des luttes de personnes et non à la confrontation de projets ou d’idées.

La logique arithmétique n’a pas fonctionné

Le RHDP a gagné, mais il récolte moins de sièges qu’il n’en avait dans l’assemblée sortante, environ 148 contre 137 désormais. Mais il doit concéder certaines circonscriptions clés et plusieurs ministres de son « commando » ont été battus. L’opposition, elle, n’a pas atteint l’objectif de faire de l’Assemblée un contre-pouvoir au régime RHDP. Mais elle réalise plusieurs belles prises à commencer par Yopougon, la plus symbolique des circonscriptions de ce scrutin, arrachée de haute lutte avec quelque 400 voix d’avance. Mais là aussi, les électeurs n’étaient pas au rendez-vous : 18 % de participation seulement. L’opposition qui une fois de plus dénonce un découpage électoral favorable au RHDP en donnant trop de poids au nord en comparaison de son importance démographique.

Autre enseignement de ce scrutin, ce retour des partisans de Laurent Gbagbo dans le jeu électoral n’a pas attiré au niveau national plus d’électeurs que d’habitude on l’a vu. Le nom « Gbagbo » ne suffit donc pas à lui seul à attirer massivement les électeurs.

Avant les élections, l’alliance PDCI-EDS invoquait l’arithmétique pour surpasser le RHDP. Depuis 1995, en effet, quand deux des trois grands partis s’alliaient contre le troisième, ce dernier était battu. Ça n’a pas fonctionné cette fois-ci.

Un scrutin apaisé

C’est suffisamment peu fréquent pour être signalé, il n’y a pas eu de mort dans cette élection et peu de violences, de destruction de matériel ou d’attaque de bureau de vote. Tous les observateurs l’ont salué, le scrutin s’est déroulé dans un climat apaisé. Laurent Gbagbo lui-même le relevait lundi dans un message. Un message dans lequel il désavouait fermement un de ses candidats qui a tenu des propos tribalistes contre un adversaire.

« Le Front Populaire Ivoirien (FPI) est un parti de la gauche socialiste, panafricaniste et qui lutte pour la construction d’un État démocratique, laïc, solidaire, multiethnique et multiracial. Le FPI ne saurait donc tolérer des propos tribalistes et exclusionnistes qui sont de nature à le mettre en porte à faux avec son idéal de société de justice, de paix et de solidarité » écrivait l’ancien président lundi soir.

Et puis on a assisté à des gestes de fairplay peu communs ces dernières années. Samedi soir, avant même la fin du dépouillement, le candidat RHDP au Plateau à Abidjan, Ouattara Dramane, a félicité publiquement son adversaire PDCI Jacques Ehouo. Contraste complet avec le même Plateau lors des municipales de 2018 au cours desquelles on avait assisté à 48 heures de manifestations, de manœuvres diverses et d’invectives.

Ces gestes de fairplay entre adversaires, on en a vu ailleurs, à Daoukro entre Venance Konan et Olivier Akoto, à Tanda entre Serge Vremen et Kobenan Kouassi Adjoumani ou encore à Cocody, pour ne parler que des plus visibles, mais il y en a eu beaucoup d’autres. Davantage semble-t-il, que de bras de fer sur les chiffres et de contestations.

  Source: Rfi