Alors que l’heure est à la défiance entre la classe politique et les autorités de la transition, le Premier ministre malien, Moctar Ouane, a échangé pendant plus de trois heures avec les partis politiques. Il a promis de présenter très bientôt le plan d’action de son gouvernement.
Les échanges « courtois, dans une atmosphère détendue », comme l’ont confié à Jeune Afrique plusieurs participants, ont duré plus de trois heures. Preuve que la rencontre était très attendue. Plus d’une soixantaine de partis politiques étaient invités au Centre international de conférences de Bamako, mercredi 10 février. Le Premier ministre de la transition, Moctar Ouane, lui, était notamment accompagné du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga.
« La classe politique a un rôle de premier plan dans la promotion de notre jeune démocratie et une place centrale dans les réformes politiques et institutionnelles que nous attendons tous avec impatience », a déclaré Moctar Ouane dans son discours d’ouverture. Les représentants des partis politiques l’ont pris au mot, profitant de l’occasion pour le soumettre à un feu roulant de questions.
« Nous avons insisté sur les réformes du système électoral, parce que l’après élection pose toujours problème dans notre pays », insiste Salikou Sanogo, vice-président de l’Union pour la République et la démocratie (URD). Après la présidentielle de 2018, qui avaient opposé au second tour Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé, l’URD avait dénoncé des fraudes et des insuffisances dans l’organisation du scrutin. Depuis, « notre parti a fait des propositions », assure Salif Sanoko.
Se disant en faveur d’un « organe unique et autonome de gestion des élections », il explique avoir également plaidé pour « introduire une dose de proportionnelle pour une meilleure représentativité à l’Assemblée nationale ». Au cours des débats, la question du découpage territorial et de la prise en compte des Maliens de l’extérieur a également été abordée.
Autre sujet de préoccupation majeur qui a été au centre des échanges : la durée de la transition. « La plupart des intervenants ont demandé un respect des délais impartis à la transition, confie Amadou Aya, secrétaire général adjoint de la Convergence pour le développement du Mali (CDM). Les deux grands dossiers dont doit s’occuper la transition sont la sécurisation du territoire, en partenariat avec les forces internationales, et l’organisation des élections. L’organe unique doit être mis en place. L’administration étant une continuité, la prochaine équipe démocratiquement élue s’occupera des autres dossiers. »
Les représentants des partis politiques ont également posé des questions sur la détention de personnalités soupçonnées de tentative de déstabilisation de la transition. « La transition doit être conduite de sorte que plus les militaires ne se mêlent de la vie politique », estime Amadou Aya.
Après avoir écouté les intervenants, Moctar Ouane, qui a qualifié la rencontre « d’utile et productive », a promis que les échanges allaient se poursuivre, mais dans un cadre qui reste encore à définir. Il a également affirmé qu’il allait présenter le plan d’action du gouvernement de la transition devant le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition, le 19 février prochain.
« Échanger avec le Premier ministre est une bonne chose. S’il avait commencé par là dès son installation, nous aurions gagné cinq mois, note Salikou Sanogo. Nous pensons que les partis politiques sont importants car ils animent la vie démocratique et alimentent la réflexion. Après la mise en place du Comité national de transition et du gouvernement, cela montre qu’il y a une prise de conscience que le processus doit être inclusif. »
Cette rencontre, dont la tenue n’avait été annoncée que la veille, intervient dans un contexte de tensions montantes entre une partie de la classe politique et les autorités de la transition. Beaucoup, dont des membres du Mouvement du 5 juin qui a, pendant plusieurs mois, manifesté pour réclamer la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta, dénoncent une gestion non-inclusive. Une défiance qui a été encore ravivée par la dissolution de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le 1er février.
Source: Jeune Arique