La junte au pouvoir au Mali souhaite qu’un organe de transition dirigé par un militaire soit mis en place pour trois ans et accepte que le président déchu Ibrahim Boubacar Keïta retourne à son domicile, ont indiqué dimanche soir des sources de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la junte.
« La junte a affirmé qu’elle souhaite faire une transition de trois ans pour revoir les fondements de l’État malien. Cette transition sera dirigée par un organe présidé par un militaire, qui sera en même temps chef de l’État », a indiqué une source au sein de la délégation ouest-africaine à Bamako.
« Le gouvernement sera aussi majoritairement composé de militaires », selon la proposition de la junte, a expliqué cette source s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
Quant au premier ministre Boubou Cissé, arrêté en même temps que le président Keïta et détenu dans le camp militaire de Kati, dans la banlieue de la capitale, « nous avons obtenu de la junte qu’elle accepte qu’il soit dans une résidence sécurisée à Bamako », a ajouté ce responsable ouest-africain.
Un membre de la junte a confirmé « les trois ans de transition avec un président militaire et un gouvernement en majorité composé de militaires », ainsi que les décisions concernant le président Keïta et son premier ministre.
La deuxième journée de négociations avait débouché sur des avancées sans accord complet, et elles doivent reprendre lundi. « Nous avons pu nous entendre sur certains points, mais pas sur l’ensemble des points de discussion », a déclaré à sa sortie de plusieurs heures de réunion le chef de la délégation ouest-africaine, l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, mandaté par la CEDEAO pour tâcher de rétablir « l’ordre constitutionnel » au Mali.
Les pays voisins du Mali, réunis en sommet extraordinaire, avaient réclamé jeudi le « rétablissement » du président Keïta et décidé d’envoyer cette délégation à Bamako, la quatrième de l’ex-président Goodluck Jonathan depuis le début de la crise sociopolitique qui ébranle le Mali depuis les législatives contestées de mars-avril.
Les militaires acclamés
Élu en 2013 et réélu en 2018, le président Keïta était fortement contesté dans la rue à l’appel d’un mouvement d’opposition hétéroclite qui réclamait sa démission.
Dénoncé par la communauté internationale, le coup d’État militaire n’a suscité aucune opposition notable à Bamako. Les Maliens ont repris leurs activités dès le lendemain du putsch et la télévision nationale, l’ORTM, poursuit ses programmes.
Les militaires au pouvoir ont promis de mettre rapidement en place une « transition politique ». Ils ont été acclamés vendredi par des milliers de personnes dans le centre de Bamako.
Pendant que les discussions politiques et diplomatiques se poursuivaient à Bamako, quatre soldats ont été tués et un grièvement blessé samedi par un engin explosif dans le centre du pays.
En mars 2012, alors que les rebelles touareg avaient lancé une offensive majeure dans le nord du Mali, des soldats s’étaient déjà mutinés contre l’inaptitude du gouvernement à faire face à la situation et avaient chassé le président Amadou Toumani Touré.
Mais le coup d’État avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, jusqu’à ce qu’ils en soient en grande partie chassés par une intervention militaire internationale lancée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.
Les attaques de groupes djihadistes se sont étendues en 2015 au centre du pays, entraînant de lourdes pertes civiles et militaires. Ces attaques, mêlées à des violences intercommunautaires, ont également débordé aux Niger et Burkina Faso voisins.
L’incapacité de l’État malien à contrôler de vastes secteurs de son territoire dans le nord et le centre a été dénoncée pendant des mois par les opposants au président Keïta.
Les putschistes ont également justifié leur intervention notamment par l’insécurité régnant dans le pays et par le manque de moyens de l’armée.
Source : Le Devoir