La Côte d’Ivoire aura-t-elle un jour un “président jeune” ?

GETTY IMAGES Alassane Ouattara se retire, Henri Konan Bédié en lice pour 2020

L’annonce de la candidature d’Henri Konan Bédié à la convention du PDCI a soulevé le courroux de nombreux Ivoiriens, certains se demandant à quand la fin de la vieille garde politique ivoirienne.

 Ceux qui espéraient voir des candidats jeunes lors de la présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire après le retrait d’Alassane Ouattara devront patienter et remettre aux calendes grecques l’accomplissement de leurs souhaits.

“Les vieux ne laissent pas l’affaire” comme disent les ivoiriens et pour cause, l’ex président ivoirien Henri Konan Bédié sera candidat à l’investiture de son parti à l’âge de 85 ans.

Candidat unique après le retrait du très attendu Jean Louis Billon figurant sur la liste de la jeunesse montante du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire), Bédié ou le sphinx de Daoukro est sûr de porter l’étendard du parti lors des prochaine élections.

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Cette candidature n’est pas une surprise pour qui observe la scène politique ivoirienne depuis au moins 2015. Le président Bédié n’a jamais pratiquement délégué une seule rencontre : partout c’était lui qui était au-devant de la scène” explique Docteur Sylvain N’guessan, analyste politique et directeur de l’institut de stratégie d’Abidjan.

Dans les minutes qui ont suivi l’annonce de sa candidature, les réseaux sociaux ont été inondés de commentaires et d’analyses portant notamment sur cette volonté des “vieux politiciens ivoiriens” de s’accrocher au pouvoir.

A coup de modifications constitutionnelles et d’amendements de textes électoraux, la même vieille garde politique présente autour du président Houphouët Boigny continue de faire les beaux jours de la politique ivoirienne.

Lebel N'goran citation

Les beaux jours de la politique ivoirienne ? Pas si sûr, les ivoiriens aspirent à voir d’autres têtes mais le changement risque d’attendre.

Pourquoi se plaindre de la candidature d’Henri Konan Bédié quand on sait que la Constitution lui en donne le droit ?” se demande l’essayiste ivoirien Alain Ahimou.

“Il faut plutôt demander des comptes au président Alassane Ouattara qui a encouragé une réforme constitutionnelle autorisant la candidature d’une personne de 85 ans supprimant à la limite au passage l’âge plafond et la visite médicale“.

Pour l’essayiste ivoirien, les conditions sont constitutionnellement réunies pour empêcher l’émergence d’une nouvelle classe politique en Côte d’Ivoire, un pays qui pourtant regorge de jeunes politiciens.

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Quel jeune choisir ?

Amadou Gon Coulibaly, Guillaume Soro et Hamed Bakayoko

Amadou Gon préféré à Guillaume Soro et Hamed Bakayoko                                                   GETTY IMAGES

Pour le RHDP la question ne se pose plus. Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix a trouvé en Amadou Gon Coulibaly le digne successeur d’Alassane Ouattara.

Son choix a pourtant suscité les analyses les plus “macabres” en raison de son état de santé. Il est d’ailleurs soigné depuis début mai en France pour des problèmes cardiaques.

A 61 ans, les Ivoiriens s’inquiètent plus pour son état de santé se demandant s’il aura les capacités physiques de faire campagne et de diriger un pays s’il était élu.

Son choix semble satisfaire aux critères du président sortant mais perpétue une forme de continuité d’un système politique que l’écrivain ivoirien Lebel N’goran dénonce.

Il faut une action citoyenne forte pour balayer ces vieux politiciens car leur système est basé sur la corruption et le copinage. Il ne va pas disparaître sans un minimum d’action“.

Qui doit donc remplacer les “vieux politiciens” ? Les noms ne manquent pas mais ne font pas également l’unanimité auprès des jeunes qui appellent au changement.

La liste des candidats est bien longue et elle pourrait débuter par celui qui le premier a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2020 : Guillaume Soro.

L’idée qu’un ancien rebelle puisse diriger la Côte d’Ivoire rebute certains Ivoiriens et même au-delà des frontières du pays mais les sympathisants du “Che” voient en lui le prochain président ivoirien.

Jean Louis Billon

Jean Louis Billon (ext. droite) sera-t-il l’éternel homme de l’ombre ?                         GETTY IMAGES

Candidat et sous le coup d’un mandat d’arrêt, difficile de dire si M. Soro pourra participer à l’élection présidentielle.

L’ancien allié d’Alassane Ouattara et, désormais, opposant est en exil en France mais continue de se faire entendre via les réseaux sociaux.

Le “jeune homme” ne renonce donc pas à son rêve de diriger entièrement la Côte d’Ivoire par la force des urnes, un pays qu’il a dirigé a moitié par la force des armes.

Dans le camp d’Alassane Ouattara, la candidature d’Amadou Gon douche les espoirs des sympathisants d’Hamed Bakayoko ou d’Adama Bictogo pourtant dans le pipe des potentiels successeurs.

Du côté du PDCI c’est également le silence radio chez les jeunes. Ni Jean Louis Billon, ni Kouadio Konan Bertin (KKB) encore moins Thierry Tanoh ou Yasmina Wognin ne seront candidats.

Annoncé également à coup de sondages et d’analyses, le banquier Tidiane Thiam, pourtant très apprécié n’a jamais affirmé que le fauteuil présidentiel l’intéressait.

Au FPI (Front Populaire Ivoirien) Affi N’guessan du haut de ses 67 ans peine à rassembler en raison d’une tendance radicale attachée à la personne de Laurent Gbagbo.

Reste sur la liste et hors d’un vieux parti, Charles Blé en exil et Mamadou Koulibaly, le président de LIDER et ancien transfuge du FPI.

A 63 ans, l’économiste et enseignant-chercheur ivoirien séduit par son discours franc et ses analyses mais saura-t-il convaincre en 2020 s’il est candidat ?

Mamadou Koulibaly

Mamadou Koulibaly, président de LIDER                                                                 GETTY IMAGES

Etre jeune ne suffit pas

La liste des jeunes potentiellement présidentiables en Côte d’Ivoire est longue mais être jeune ne suffit pas pour aspirer à la fonction suprême.

Pour Docteur Sylvain N’guessan, analyste politique et directeur de l’institut de stratégie d’Abidjan il y a tout un travail à faire pour émerger au-delà de la simple volonté.

C’est une question d’ambition et des projet personnel parce que quand on vise la tête il faut se donner les moyens : moyens humains, moyens matériels et financiers“.

Les jeunes ne doivent plus occuper la deuxième ou la troisième chaise mais accepter d’être sur le devant de la scène, être sur le terrain, accepter les sacrifices, mettre la main à la poche…de sorte à jouer les premiers rôles“.

 Mac-arthur Gaulithy citation

En effet depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, la logique de la politique paternaliste a poussé les jeunes dans un confort : être choisi par un parti et imposé.

Hélas depuis plus de 30 ans ce sont les mêmes noms et les mêmes visages qui reviennent bloquant la chaîne de transmission du pouvoir politique à la nouvelle génération.

Un modèle de profil de carrière politique propre aux vieux partis qui doit pourtant changer selon Mac-Arthur Gaulithy entrepreneur et stratégiste des organisations.

A défaut de faire la promotion des jeunes dans les partis politiques il faut que les jeunes s’affranchissent de ce schéma et être des candidats indépendants“.

Il faut avoir de l’audace et vider les vieux partis de leur substance afin de créer une synergie autour des jeunes candidats et les pousser”.

Tous les hommes politiques qui ont émergé en Côte d’Ivoire et dirigé le pays ont eu un parcours marqué par leur audace et leur volonté de changer les choses par une rupture avec les partis politiques existants“.

C’est ainsi depuis Houphouët Boigny en passant par Laurent Gbagbo et les jeunes doivent s’en inspirer” conclu Mac-Arthur Gaulithy.

 

    Source: BBC