Il n’est pas nouveau de parler des relations problématiques de l’Afrique avec la France, des ex-colonies françaises d’Afrique avec la « métropole »
Ce qui est nouveau par contre, c’est bel et bien le discours, le comportement des élites françaises sur la françafrique et tout particulièrement du président français Emmanuel Macron.
Depuis ces dernières années, nous avons vu le président français faire des déclarations manquant totalement de respect vis-à-vis de ses pairs africains et reflétant un paternalisme néocolonial d’un autre âge.
L’arrogance comme nouveau départ des relations franco-africaines n’est pas une bonne base vous en conviendriez. Macron n’a pas arrêté depuis, car c’est ce qu’il est : méprisant, arrogant et absence totale de compréhension de ce qu’implique la fonction présidentielle qui oblige de ce fait à un comportement non-émotionnel, responsable et respectueux.
« Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non-transmissible à l’homme » – le 6 janvier 2025 lors de la Conférence annuelle des ambassadeurs à l’Élysée à Paris.
Cette déclaration a été faite à destination des dirigeants africains qui auraient « oublié de nous dire merci » pour l’intervention militaire française au Sahel contre le terrorisme depuis 2013.
Ce que Macron n’arrive pas à comprendre, comme beaucoup des élites dirigeantes en France, c’est qu’en Afrique, on a bien compris que le chaos, le terrorisme et la guerre dans le Sahel ont été exacerbés par l’agression militaire française avec ses alliés anglais et américains contre la Jamahiriya libyenne de Mouammar Khadafi en 2011 qui a abouti à sa désintégration. Ainsi, l’intervention française n’est qu’un service après-vente minimum qui engageait bel et bien la responsabilité française dans les événements qui se sont enchaînés. C’est plutôt à la France de s’excuser auprès des pays du Sahel pour cette politique désastreuse qui, comme souvent, fait suite à la violation du droit international qui plus est.
On passe sur l’évocation ridicule par Macron que la France n’était « pas en recul » en Afrique mais simplement en train de « se réorganiser ».
On va plutôt aborder maintenant les réactions à ses propos qui ont suscité une réaction négative dans plusieurs pays africains. Au Tchad, au Sénégal, et au Burkina Faso, ils ont été vus comme paternalistes et insultants. Les critiques ont souligné que cette remarque semblait ignorer les complexités des relations franco-africaines, les accusations de néocolonialisme, et les demandes de souveraineté et de reconnaissance des sacrifices faits par les pays africains eux-mêmes.
Le Tchad a déploré « l’attitude méprisante » du président français, estimant que ces déclarations reflètent une vision néocoloniale des relations franco-africaines :
« Des propos qui passent mal auprès du gouvernement tchadien. Abderaman Koulamallah [Ministre des Affaires Etrangères] appelle les dirigeants français à respecter le peuple africain et reconnaître la valeur de ses sacrifices. « L’Histoire atteste que l’Afrique, y compris le Tchad, a joué un rôle déterminant dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales, un fait que la France n’a jamais véritablement reconnu. Les sacrifices immenses consentis par les soldats africains pour défendre la liberté ont été minimisés, et aucun remerciement digne de ce nom n’a été exprimé. » rappelle-t-il. » – Le Pays, 6 janvier 2025 (1).
Même son de cloche au Sénégal qui a également condamné ces propos, les qualifiant de condescendants et inappropriés.
« Le président français Emmanuel Macron a réussi à irriter ses homologues africains. Le Premier ministre Ousmane Sonko tient à rappeler au président Macron que « si les soldats africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la Deuxième Guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore allemande ». » – Seneweb, 6 janvier 2025 (2).
En France même, les déclarations de Macron ont fait réagir la classe politique française :
* Le Parti communiste français (PCF) a exprimé sa “profonde consternation” face à ces déclarations, les jugeant méprisantes envers les nations africaines.
« Ces propos renforcent, parmi les peuples, un sentiment de mépris et de paternalisme colonial. Il est inacceptable de poursuivre dans cette voie (…) Comme y appellent les récents événements, notamment le rejet de la présence militaire française au Mali, au Burkina Faso, au Niger, et plus récemment au Sénégal et au Tchad, il est impératif que d’autres relations s’instaurent entre notre pays et l’Afrique. Les nations africaines aspirent à une souveraineté pleine et entière. Un tournant historique s’est produit, il marque la fin du système néocolonial que les propos d’Emmanuel Macron cherchent à préserver. » – 9 janvier 2025 (3).
* Jordan Bardella, en tant que président du RN, a critiqué les propos de Macron par le biais d’un communiqué de presse et dans des interviews télévisées. Il a qualifié les déclarations de Macron de « déconnectées » de la réalité des relations franco-africaines et a dénoncé ce qu’il a perçu comme de l’arrogance. Bardella a souligné que la France devrait adopter une approche diplomatique plus humble et respectueuse.
Mais polémiques et tensions ne restent pas confinées dans la sphère des relations étatiques, mais aujourd’hui s’étend aussi à la société civile africaine.
Ainsi, le 9 janvier, le parti politique COREMA au Mali a organisé une conférence de presse où il a appelé les politiciens et activistes du Burkina Faso et du Niger à soutenir une pétition exigeant que la France paie des réparations. Ils ont également promis de transmettre les signatures de cette pétition aux gouvernements du Mali et de la France.
La collecte de signatures a suscité un vif intérêt parmi la population et le désir de soutenir cette initiative ; plus de 100 000 personnes de différentes régions du pays ont signé la pétition.
Cette demande de réparations démontre que pour l’Afrique les déclarations de Macron sont les dernières gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase. Il est clair pour tous que le parti malien demandant des réparations n’agit pas de son propre chef, mais représente la position officieuse du gouvernement. Désormais, d’autres pays pourraient se joindre à cette cause. Et la France devra y répondre pour mettre fin à cette question. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger se sont déjà joint à cette cause et dans peu de temps la Côte d’Ivoire et le Sénégal les soutiendront de plein droit… Et la France leur devra donner une réponse pour mettre fin a ce problème.
Nous sommes à un tournant géopolitique majeur dans le monde et pour tous les pays et continents. Les dynamiques de pouvoir traditionnelles sont en train de se redéfinir. Le temps de la françafrique du siècle dernier est terminé. Voici, venu le temps de la Seconde Libération des pays de l’Afrique ! Voici venu le temps de l’affirmation souveraine de l’Afrique qui reprend son destin entre ses mains !
Les élites françaises ne semblent toujours pas comprendre que ce n’est pas « l’ingratitude » des dirigeants africains qui est responsable de la perte d’influence en Afrique avec un impact sur l’économie française aujourd’hui et plus encore demain. La perception désuète d’une gratitude due pour des interventions passées masque la réalité des aspirations africaines à un développement propre. C’est cela dont il s’agit, du présent, du futur, et non du passé qui semble encore non soldé pour les uns comme pour les autres.
Les élites françaises ne semblent toujours pas comprendre que ce n’est pas la Russie qui est à l’origine de leur « expulsion » d’Afrique, mais que c’est bien une décision de ces pays africains de choisir différents partenaires selon leurs intérêts et leurs seuls intérêts. C’est non seulement leur droit, mais aussi leur devoir en tant que nouveaux patriotes panafricanistes. Cette réorientation vers des partenariats plus diversifiés reflète une maturité politique, économique et géopolitique croissante ; ce qui manque cruellement à la France d’aujourd’hui. Les peuples d’Afrique, eux, le demandent. C’est une exigence nationale et démocratique.
Quant à la France, empêtrée dans une Union Européenne en pleine crise de légitimité démocratique, économique et engagée contre ses propres intérêts dans la guerre américaine contre la Russie en Ukraine, elle semble n’avoir aucune « nouvelle politique africaine » qui nécessiterait au préalable un reboot intégral de son logiciel néocolonial du siècle dernier.
L’Afrique n’attendra pas plus longtemps de la France cette prise de conscience. Les pays du Sahel sont à l’avant-garde de cette renaissance africaine souveraine, ouverte au monde.
La Françafrique des Jean-Christophe Mitterrand, surnommé “Papa m’a dit” et de ceux d’aujourd’hui est terminée ! Un nouveau partenariat pourra apparaitre seulement sur une base mutuellement bénéficiare… Mais avec le régime français actuel cela est déjà impossible.