[Paris, le 20 juin 2022] Médecins Sans Frontières (MSF) appelle les pays européens et nord-américains, entre autres, à même d’offrir une protection aux migrants bloqués en Libye, à accélérer de toute urgence l’évacuation des personnes les plus vulnérables qui vivent dans des conditions inhumaines dans le pays, à travers le renforcement des mécanismes existants et l’ouverture de voies de sortie alternatives.
Depuis 2016 et le début de son intervention humanitaire auprès de personnes migrantes en Libye, MSF a été confrontée, de façon répétée, à l’impossibilité de les protéger, à l’intérieur comme à l’extérieur des centres de détention, et de garantir la continuité des soins pour celles et ceux qui présentent les troubles physiques et mentaux les plus graves, notamment les victimes de torture.
« En Libye, la grande majorité des exilés sont victimes de détention arbitraire, de torture et de violences, y compris sexuelles. Leurs possibilités de protection physique et juridique y sont extrêmement limitées et fragiles. En conséquence, la route migratoire, très souvent mortelle, via la mer Méditerranée est parfois leur seule échappatoire », explique Claudia Lodesani, Responsable des programmes en Libye pour MSF. « Nous pensons que les pays sûrs, notamment au sein de l’Union européenne, qui financent depuis des années les garde-côtes libyens et encouragent le retour forcé des migrants vers la Libye ont, au contraire, le devoir de faciliter la sortie et la protection, sur leur sol, de ces personnes victimes de violence ».
MSF publie ce jour un rapport intitulé Out of Libya qui décrit la faiblesse des mécanismes de protection existants pour les personnes bloquées en Libye. Les rares voies de sortie légale vers des pays sûrs, mises en place par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) et l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) sont très lentes et restrictives. En effet, seules les personnes de neuf nationalités sont prises en compte pour l’enregistrement auprès du HCR, l’accès à ce service est quasiment inexistant en dehors de Tripoli et dans les centres de détention et le nombre de places dans les pays de destination est très limité.
Ainsi, en 2021, seules 1 662 personnes ont pu quitter la Libye via les mécanismes de réinstallation du HCR sur environ 40 000 personnes inscrites, et environ 3 000 personnes via le programme de retour volontaire de l’OIM. Au total, on estime à 600 000 le nombre d’exilés présents dans le pays.
Le rapport présente également des solutions alternatives, en particulier celles qui peuvent être mises en place par les organisations de secours et les gouvernements.
En Italie, un corridor humanitaire a déjà été ouvert et permet la sortie d’un certain nombre de personnes en situation de grande vulnérabilité et ayant besoin de protection, notamment des patients de MSF en Libye. Ce type de mécanismes doit pouvoir être dupliqué dans d’autres pays sûrs. En France, des discussions sont ainsi en cours avec les autorités afin d’évacuer notamment des survivants de torture, de violence et de détention, ainsi que des personnes présentant de graves pathologies médicales. Ces personnes feraient l’objet d’un suivi spécifique de MSF à leur arrivée dans le pays d’accueil.
« La prise en charge médicale de personnes détenues arbitrairement et indéfiniment, ou à risque de subir des violences systématiques, pose de nombreux dilemmes. Nos possibilités d’actions sont, de fait, limitées. Pour réellement protéger les personnes les plus vulnérables, il faut avant tout, et de toute urgence, les sortir du système de détention et du pays », explique Jérôme Tubiana, responsable de plaidoyer en Libye pour MSF.
MSF est l’une des rares ONG internationales présentes en Libye. Elle y mène notamment des consultations dans des centres de détention et dans des logements de fortune qui abritent des personnes migrantes auxquelles MSF fournit des soins de santé primaire et un soutien psychosocial. L’association organise également les transferts des personnes plus gravement malades vers des hôpitaux et aide les exilés qui le souhaitent à s’enregistrer auprès des mécanismes de sortie du pays mis en place par le HCR et l’OIM.