La guerre en Ukraine et le calvaire pour les Africains fuyant les combats. Les témoignages se multiplient montrant des gens maltraités par des agents de sécurité, notamment empêchés de prendre place dans les trains ou des bus rejoignant les frontières.
D’autres Africains se voient bloqués, au passage de frontière, surtout avec la Pologne. Ce lundi, l’Union africaine (UA) a décidé de réagir officiellement
L’UA se dit « particulièrement préoccupée » concernant les Africains qui « se verraient refuser le droit de traverser la frontière hors de l’Ukraine ».
Macky Sall, président du Sénégal et de l’UA ainsi que Moussa Faki, président de la Commission, rappellent ensemble que « toute personne a le droit de franchir les frontières pendant un conflit et devait bénéficier des mêmes droits quelle que soit sa nationalité ou son identité raciale ».
Des références aux multiples images, témoignages montrant des dizaines d’Africains bloqués à la frontière, notamment avec la Pologne, alors que les autres sont autorisés à passer. L’Union africaine parle d’un « traitement différent inacceptable », « choquant », « raciste », qui violerait le droit international. Macky Sall et Moussa Faki demandent donc à tous les États de faire preuve d’empathie et du même soutien, peu importe la race.
« Toute personne a le droit de franchir les frontières internationales lors d’un conflit et à ce titre devrait bénéficier des mêmes droits à traverser la frontière pour se mettre à l’abri du conflit. Quelque chose soit sa nationalité ou son identité raciale. »
Le Nigeria avait déjà dénoncé ces comportements à l’égard de ses citoyens
Peu de temps avant, le Nigeria avait déjà dénoncé ces comportements racistes. « Il est primordial que tout le monde soit traité avec dignité et sans faveur », exhorte la présidence nigériane.
Plus de 250 Nigérians sont parvenus à rejoindre leur ambassade en Hongrie, en Roumanie et en Pologne, selon les chiffres communiqués ce lundi par le ministère des Affaires Etrangères, rapporte notre correspondante à Lagos, Liza Fabbian. Plus de 5000 étudiants nigérians seraient présents dans le pays selon les chiffres relayés par les médias locaux.
La présidence nigériane a qualifié de « regrettable » le traitement subi par ses ressortissants tentant de fuir Kiev et l’Ukraine ces derniers jours. Le Nigeria n’utilise pas le mot racisme, mais c’est bien à cela qu’on assiste. Des vidéos et des témoignages circulent montrant des policiers ukrainiens ou des agents de sécurité empêcher des Africains de monter dans des bus ou des trains, pour fuir l’Ukraine et les combats.
Les images d’une jeune Nigériane et son bébé, forcés de laisser leur place dans un autocar, ont été largement diffusées. D’autres incidents similaires ont été signalés à la frontière avec la Pologne où les douaniers polonais sont mis en cause.
« Je me trouve maintenant en Pologne et ça n’a pas été facile. J’étais déjà entré dans le train quand quelqu’un est venu me prendre et m’a jeté dehors. Et ce sont des événements qui se passent chaque jour. Au niveau de la frontière, j’ai attendu au moins une journée et trois heures. »
Les tweets de « Nze », un Nigérian établit à Kiev, ont été partagés à travers le monde entier. Le jeune homme qui a passé trois jours dans le froid avant de pouvoir rejoindre Varsovie ce lundi, a raconté en détail les discriminations dont il a été le témoin et la victime lors de son périple.
« Un groupe d’étudiants nigérians s’est vu refuser plusieurs fois l’entrée en Pologne. Ils n’ont eu d’autre choix que de traverser à nouveau l’Ukraine » pour essayer de rejoindre Budapest a fait savoir un porte parole du président Muhammadu Buhari.
Le Nigeria recommande désormais à ses ressortissants de se rendre de préférence en Hongrie ou bien en Roumanie.
« La couleur de leur passeport, la couleur de leur peau ne font pas de différence »
« Tous ceux qui fuient le conflit ont le même droit de passer en sécurité. La couleur de leur passeport, la couleur de leur peau ne font pas de différence », indique Abuja.
L’ambassadrice de Pologne au Nigeria a, elle, rejeté ces accusations. Joanna Tarnawska déclare que « tout le monde reçoit un traitement égal ». D’ailleurs, « certains ressortissants sont déjà passés en Pologne », indique la diplomate.
C’est vrai. Sauf qu’une fois passés, le calvaire n’est pas fini. Des Nigérians dénoncent le refus de certains Polonais de les prendre en stop, notamment. « On nous traite comme des animaux », a déclaré l’un d’eux.
L’ambassade nigériane à Varsovie a, de son côté, envoyé du personnel et des véhicules à cette frontière pour porter secours à ses ressortissants en fuite. Et après avoir initialement demandé à ses ressortissants de « prendre ne charge leur propre sécurité », les autorités nigérianes ont finalement annoncé que des évacuations allaient commencer à partir de mercredi, à bord de deux compagnies aériennes nationales, rapporte encore notre correspondante à Lagos.
« Dès que nous avons eu vent des allégations de mauvais traitements ou de racisme, nous avons mis sur pied une démarche commune de mutualisation. »
Une tâche complexe pour la Côte d’Ivoire
Pour faire évacuer les 500 ressortissants ivoiriens présents dans le pays, la Côte d’Ivoire, de son côté, a mis sur pied deux cellules de crise, la première au ministère des Affaires étrangères à Abidjan, la seconde à l’ambassade de Côte d’Ivoire en Allemagne. Philippe Mangou, l’ambassadeur en poste à Berlin, a décidé de se rendre à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine pour favoriser cette évacuation.
Il est ainsi parti, ce lundi matin, en direction de Cracovie. L’Ambassadeur de Côte d’Ivoire en Allemagne dont la charge diplomatique s’étend à la Pologne doit rallier, au plus tard demain matin, l’une des villes qui borde la frontière polono-ukrainienne.
L’objectif de sa mission est de permettre aux près de 500 ressortissants ivoiriens, vivant en Ukraine, de rejoindre la Pologne. Une tâche complexe. Des ressortissants africains ont déjà été empêchés de passer la frontière, ce que Philippe Mangou ne comprend pas. « Nous disons que ce sont des situations qui sont anormales. La Convention de Vienne ne va pas dans ce sens, bien au contraire. Quand les ressortissants d’un pays sont en danger pour faits de guerre, il faut les recueillir et je crois que les autorités polonaises, elles vont nous entendre… Pas question de bloquer les ressortissants des pays, il faut les laisser sortir. Au même titre que l’on laisse sortir ceux qui proviennent d’Ukraine, je crois qu’il faut laisser également sortir les Africains. »
Pour mener cette opération à bien, l’ambassadeur dit avoir pris toutes ses dispositions : « J’ai envoyé une note verbale à mon collègue polonais qui est à Berlin, afin qu’il puisse prévenir les autorités de notre arrivée. Nous avons également informé les autorités allemandes de notre déplacement parce que si nous devons revenir avec ceux qui sont sortis de cette zone, nous allons les diriger sur l’Allemagne où ils ont mis sur pied des centres d’accueil. »
Ces ressortissants ivoiriens auront alors possibilité de regagner, s’ils le veulent, la Côte d’Ivoire à condition bien sûr que, tour à tour, la Pologne et l’Allemagne les laissent entrer sur leur territoire.
rfi