Pas de route, pas de nourriture, pas de travail… Au Kasaï, région diamantifère et fief électoral du président congolais Félix Tshisekedi, les habitants s’impatientent de voir enfin se réaliser les promesses électorales de l’ancien opposant, deux ans et demi après son arrivée au pouvoir.
Vainqueur de la présidentielle controversée de décembre 2018 en République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi a succédé en janvier 2019 à son ancien adversaire Joseph Kabila, qui a régné pendant 18 ans sur l’ex-Zaïre (2001-2019).
La création d’emplois des jeunes et l’accès universel aux soins de santé faisaient partie des principales promesses de campagne du candidat Tshisekedi qui avait pour slogan : « le peuple d’abord ».
« Après les élections, nous pensions que les activités (économiques) allaient reprendre, mais il n’y a rien et les gens ont faim. Il n’y a rien de palpable, alors on se débrouille toujours dans la recherche du diamant », constate, dépité, un creuseur rencontré dans une mine artisanale près de Mbuji-Mayi, chef-lieu du Kasaï oriental.
« Nous cherchons du diamant (…) nous avons décidé de nous débrouiller au lieu de errer ça et là à attendre le travail de l’État ».
– Une pâle « capitale du diamant » –
Fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, Félix est originaire de la province du Kasaï-oriental. Il est ici chez lui, en témoignent les 100% de voix remportées à la présidentielle dans certaines localités.
Construite par la Minière de Bakwanga (Miba), fleuron de l’économie régionale jusqu’à la fin de la décennie 90, Mbuji-Mayi a perdu son éclat d’autrefois, quand elle était surnommée la « capitale du diamant » congolais.
« La voirie urbaine est quasi inexistante (…) On ne peut plus attendre, on voudrait voir la situation des enfants malnutris changer, la voirie urbaine changer, voir la situation de cette province qui n’a ni eau ni électricité changer », peste Nicolas Kazadi, un militant associatif.
Bastion de l’opposition, le Kasaï a toujours été considéré comme une des régions le moins favorisées par les différents pouvoirs qui se sont succédés depuis l’indépendance du Congo en 1960.
« Nous n’avons pas encore vu grand chose » des promesses présidentielles, constate un acteur de la société civile locale, l’abbé Blaise Kanda. « Maintenant que cette opposition est pouvoir, nous espérons qu’ils feront de leur mieux pour que les gens puissent manger et retrouvent le sourire ».
« Nous soutenons le président, nous prions pour lui, mais le peuple ne continuera pas à l’acclamer si les choses ne changent pas, les gens peuvent aussi se fatiguer » d’attendre, prévient-il.
A Lupatapata, grand centre d’exploitation artisanale de diamant, à 17 km de Mbuji-Mayi qu’on atteint après deux heures de voiture, la vie est « difficile », témoignent les creuseurs des mines. Dans les rares champs le long de la route, seuls quelques petits épis de maïs flottent, signe d’une agriculture délaissée.
Dans cette cité, il n’y a ni grand marché, ni dépôt de maïs, mais juste un « mini-marché de diamants », où des intermédiaires attendent la pierre rare derrière des comptoirs de fortune.
– Des « paresseux » –
« Les gens ne se ruent plus ici comme autrefois, l’argent ne circule pas, tout comme le diamant qui est devenu rare, tout est difficile ici », explique un de ces acheteurs, Jean-Claude Basanabo.
« Les prix des vivres ont augmenté, les travailleurs sont impayés (…), les routes sont très dégradées », fait-il observer.
Dans la province voisine du Kasaï central, les soutiens du président Tshisekedi continuent pourtant d’y croire.
« D’ici là, le projet d’aménagement de la voirie urbaine sera mis en oeuvre », annonce Mamie Kalubi Tshikele, maire de Kananga, la capitale provinciale.
Membre de l’Union sacrée de la Nation (USN), la coalition pro-Tshisekedi, Mme Kaluba assure que le manque des ressources est une conséquence de « la paresse » des populations qui ne s’adonnent plus aux travaux champêtres pour se nourrir.
Elle accuse par ailleurs « des ONG venues distribuer gratuitement farine, huile et vêtements » aux habitants, les incitant à ne pas travailler.
Pour Gabriel Kayembe, président local de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti de M. Tshisekedi), toute puissante ici, le coupable est d’abord le camp de l’ex-président Joseph Kabila, avec lequel Tshisekedi a mis fin en décembre dernier à son alliance de deux ans de cogestion du pays.
Maintenant que le chef de l’État a les mains libres, « on va réaliser les bonnes choses », promet M. Kayembe.
« C’est un échec cuisant », balaie d’un revers de main Élie Mputu, patron local du parti de l’opposant Martin Fayulu. « Voyez l’état des routes chez le président où il avait été voté massivement (…) Félix a déjà échoué », tranche-t-il.
Source: La Libre