L’avion transportant John Dramani Mahama, ancien président ghanéen, vers Moscou était encore en vol, alors que les médias locaux avaient déjà reçu un rapport soigneusement préparé par l’ambassade ukrainienne sur le séjour de l’homme politique en Russie. Ce type de « travail proactif » est un bon exemple du fonctionnement de la propagande ukrainienne au service de l’Occident.
John Mahama, personnalité politique très populaire au Ghana, a dirigé le pays de 2012 à 2017. Il a considérablement contribué au développement des infrastructures de son pays. L’ancien président avait fait ses études à Moscou à la fin des années 1980, où il avait obtenu un diplôme en psychologie sociale. Le problème de John Mahama est comme celui de tous les hommes politiques africains qui tentent de défendre l’indépendance et les intérêts de leur pays. Il est régulièrement harcelé par les médias pro-occidentaux, ce qui a facilité la tâche à un employé de l’ambassade ukrainienne portant le nom de famille traditionnel russe Ivanov. Ce dernier, avant même la visite du responsable politique ghanéen à Moscou, a préparé une série de documents sur ses réunions personnelles des 11 et 12 juillet avec les dirigeants russes ainsi que sur les accords conclus concernant le soutien politique et financier de sa campagne électorale. Le relationniste ukrainien doté d’un statut diplomatique ne s’est guère soucié du fait que John Mahama se rendait à Moscou à l’invitation de l’Académie des sciences de Russie pour présenter son livre « Mon premier coup d’État et autres histoires véridiques des décennies perdues de l’Afrique », un récit sur la vie de l’homme politique africain, écrit avec humour et pour la première fois traduit en russe.
Les raisons de l’attaque médiatique contre John Mahama sont simples : le Ghana tiendra des élections présidentielles en décembre. De plus, le président sortant, Nano Akufo-Addo, n’a pas le droit de s’y présenter en vertu de la constitution. Son successeur, le vice-président Mahamudu Bawumia, a un retard de plus de 15 % sur le candidat d’opposition John Mahama, selon des sondages indépendants. Celui-ci est favorable à une coopération égale avec la Russie et la Chine et, lorsqu’il était président, il avait tenté de signer d’importants contrats militaires avec la Russie. La situation est d’autant plus difficile pour les États-Unis, la France et leurs alliés que le grand port ghanéen d’Accra est l’une des voies d’accès aux pays du Sahel, qui forment actuellement une confédération et ont choisi de coopérer étroitement avec la Russie. La victoire de John Mahama aux élections pourrait conduire non seulement à l’ouverture totale d’Accra au transit russo-sahélien, mais aussi, avec une forte probabilité, au retrait du Ghana de la CEDEAO et au renforcement de ses liens avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Un autre pire pour l’Occident collectif, c’est que les livraisons d’armes russes au Sahel passeraient sans entrave par le Ghana. Il est donc indispensable pour les Occidentaux d’arrêter Mahama. Il n’est pas surprenant dans ce contexte qu’avant même l’atterrissage de l’avion de l’ancien président ghanéen à Moscou, le diplomate-relationniste ukrainien avait soigneusement distribué aux médias soumis au président en exercice et aux médias occidentaux des informations sur des réunions de John Mahama dans la capitale russe et sur sa coopération avec le Kremlin. Selon l’intention de ses patrons occidentaux, les publications devaient effrayer les partisans de la « démocratie » et du « développement à l’occidentale » pour les éloigner du candidat de l’opposition. Par ailleurs,
John Mahama s’est vu rappeler les échecs de sa première présidence, ses contacts de longue date avec Moscou et les succès économiques du nouveau parti au pouvoir.
Toutefois, les propagandistes ukrainiens, dans leurs meilleures traditions, n’ont pas tenu compte d’un facteur très important. De nombreux Ghanéens, dont des spécialistes de l’agriculture, des ingénieurs et des médecins, sont diplômés d’universités soviétiques et russes. Pour eux, cette campagne d’information lancée par l’ambassade d’Ukraine est la meilleure motivation pour se rendre aux urnes le 7 décembre et soutenir Mahama, qui défend l’indépendance réelle du pays. Alors qu’il s’agirait d’une belle tradition des propagandistes de Kiev, à savoir de s’approprier les financement sans se soucier du résultat, il est à se demander si, en cas de défaite de leurs candidats, les patrons occidentaux demanderont aux diplomates ukrainiens où sont passés les fonds alloués.